Patron-Driven Acquisition et Evidence-Based Acquisition : Comment implémenter ces modèles afin d’étendre l’offre documentaire dans une bibliothèque ?
Marion Favre and Manon Velasco
Résumé
Les modèles d’acquisition d’e-books basés sur l’utilisation comme le PDA et l’EBA sont aujourd’hui très répandus et permettent la mise à disposition de vastes collections que les bibliothèques n’ont pas réellement acquises. Un PDA d’Ebook Central a été mis en place en 2019 et un premier EBA de Wiley en 2021. La Bibliothèque de l’EPFL a testé ces modèles et a réalisé de nombreuses analyses pour en mesurer la pertinence après une ou plusieurs années, au regard des besoins de ses usager·ères. Les avantages et les limites de l’exploitation des statistiques d’usage dans le développement des collections ont également été mis en lumière dans cette étude. Ces deux modèles se sont révélés de bons compléments aux modèles d’acquisition dans lesquels les bibliothécaires de liaison effectuent la sélection. Tous deux allègent également considérablement ce travail de sélection, tout en augmentant les tâches de gestion et d’analyse du côté des bibliothécaires en charge des ressources électroniques. Le PDA a nécessité des ajustements au fil des années pour que les collections accessibles soient au plus près des domaines de l’EPFL. L’utilisation des titres acquis à travers ce modèle est globalement plus importante que celle des titres acquis par d’autres biais. En contrepartie le PDA présente un risque accru de générer des acquisitions à la popularité éphémère, malgré la mise en place d’un système de prêt avant l’achat définitif. Le programme d’EBA a révélé un intérêt des usager·ères pour des titres dont les sujets et les années de publication n’étaient pas forcément attendus. Ce modèle d’acquisition nécessite un gros investissement au niveau des analyses statistiques de la part des bibliothécaires chargé·es des ressources électroniques, mais les résultats de ces analyses permettent d’aller au-delà de la seule nécessité de sélection des titres au terme du programme d’EBA. Ces deux modèles nous ont amenés à nous interroger plus largement sur l’évolution du rôle de sélection des bibliothécaires, et sur la part de l’intervention humaine dans des modèles où les statistiques d’usage sont le matériau de départ pour la sélection.
Abstract
Nowadays, usage-based acquisition models for e-books, such as PDA and EBA, are quite widespread and allow libraries to offer wider collections without acquiring them. A PDA with Ebook Central was implemented in 2019 and a first EBA with Wiley in 2021. The EPFL Library ran several analyses in order to evaluate their accuracy after one or more years, with respect to users’ needs. The advantages and limitations of the use of usage statistics in collection development were also highlighted in this study. These two models have proven to be a good complement to the acquisition models based on liaison librarians’ e-book selections. Both also greatly alleviate this selection work, while increasing the management and analysis tasks for the librarians in charge of electronic resources. The PDA model has required adjustments over the years, to ensure that accessible collection contents better match EPFL domains. The usage of the titles acquired through this model is generally higher than that of those acquired otherwise, nevertheless the PDA presents an increased risk of acquiring titles with an ephemeral popularity, despite the implementation of a loan system before the final purchase. The EBA program showed an interest among patrons in titles, related topics and publication years that were not necessarily expected. This acquisition model required a large investment in statistical analysis by the librarians responsible for electronic resources, but the results of these analyses made it possible to go beyond the sole need to select titles at the end of the EBA program. These two models prompted us to question more broadly the evolution of the role of selection made by librarians, and the part of human intervention in models where usage statistics are the starting point for the selection.
Keywords
Patron-Driven Acquisition; PDA; Evidence-Based Acquisition; EBA; E-book; Livre électronique; Acquisition; Model; Modèle; Library; Bibliothèque; Collection development; Développement des collections; Usage statistics; Statistiques d’usage
Article
Introduction
La Bibliothèque de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) acquiert en moyenne 8 000 e-books par an, pour un budget d’environ 500 000 CHF. Les contenus sélectionnés couvrent de façon privilégiée les domaines d’études et de recherche de l’Ecole : mathématiques, physique, chimie, sciences du vivant, informatique et communications, sciences et techniques de l’ingénieur, ingénierie de l’environnement, architecture et urbanisme, génie civil, management de la technologie, technologie et politiques publiques et ingénierie financière. Les achats sont principalement réalisés en fonction des sélections des bibliothécaires de liaison et des propositions d’achat adressées par les usager·ères. Les demandes d’acquisition d’e-books sont traitées par l’équipe des ressources électroniques, depuis la demande de devis jusqu’à la mise à disposition dans notre outil de découverte (Ex Libris Primo), en passant par la négociation des tarifs et des conditions de licence. La Bibliothèque achète des e-books à la pièce, des collections, des bouquets annuels et/ou thématiques et souscrit également à des abonnements. Mais est-ce que ces acquisitions correspondent réellement aux besoins des usager·ères ? Chaque année, une part importante des titres acquis l’année précédente n’est, en effet, jamais consultée par les usager·ères.
Afin de mieux prendre en compte les besoins réels (et non supposés) des usager·ères, la Bibliothèque de l’EPFL a mis en place ces dernières années deux nouveaux modèles d’acquisitions pour les achats d’e-books : le Patron-Driven Acquisition (PDA) et l’Evidence-Based Acquisition (EBA). Ces modalités sont venues compléter les pratiques existantes (achats et abonnements), tout en donnant accès à des titres que la bibliothèque n’a pas réellement acquis. Les modèles PDA et EBA permettent la mise à disposition de vastes collections documentaires et dans lesquelles des acquisitions peuvent être faites en fonction des usages.
Dans cet article, une description, ainsi que les avantages et inconvénients de chaque modèle seront mis en avant, tout comme les détails du processus de mise en place et les modalités de sélection des titres. Finalement, plusieurs statistiques concernant les achats et usages, et les implications pour la Bibliothèque seront présentées.
Patron-Driven Acquisition
Description du modèle
Le Patron-Driven Acquisition (PDA) ou Demand-Driven Acquisition (DDA) est un modèle d’acquisition, où l’achat d’un titre est déclenché par une utilisation réelle. Les e-books sélectionnés dans un PDA sont visibles dans l’outil de découverte et consultables, avant d’avoir été acquis par la Bibliothèque. Ce modèle est proposé principalement par des agrégateurs d’e-books, comme EBSCO ou ProQuest Ebook Central par exemple, plutôt que par des éditeurs. Le fournisseur met à disposition des usager·ères un ensemble de documents (« pool ») défini selon des critères choisis par la Bibliothèque. Différents paramétrages pour la sélection des titres sont disponibles, tels que la langue, la date de publication, les thématiques, ou encore l’éditeur (ce qui permet d’exclure ceux avec lesquels la Bibliothèque travaille déjà en direct). Les fournisseurs proposent plusieurs options pour le déclenchement de l’achat : la location, la médiation avant achat ou l’achat direct. Ce déclenchement s’effectue lorsqu’un·e usager·ère consulte réellement le document (défini par un téléchargement ou un temps de lecture en ligne). Le fonctionnement est totalement invisible pour l’usager·ère qui, dans l’outil de découverte de la Bibliothèque ou sur la plateforme du fournisseur, ne voit aucune différence entre les e-books rendus disponibles par PDA et les e-books achetés de manière pérenne ou consultables via abonnement.
La réflexion derrière la mise en place de ce modèle d’acquisition dans une bibliothèque porte sur la pertinence des modes d’acquisition : vaut-il mieux acheter des documents sans besoin constaté des usager·ères, ou attendre la demande d’un·e usager·ère ? Walker et Arthur (2018) évoquent la différence « Just-in-time rather than just-in-case » qui illustre bien la logique du modèle de PDA.
Avantages et inconvénients du PDA
Les avantages de ce modèle sont multiples. Tout d’abord, la certitude que la ressource sera utilisée, au moins une fois. Il permet ensuite de donner accès à des ressources nouvelles, ou auxquelles les bibliothécaires de liaison ne songent pas. Ce modèle permet enfin de réaliser un achat d’e-book en un temps très court, car l’acquisition ne nécessite pas l’intervention des bibliothécaires (de liaison et des gestionnaires de ressources électroniques), le processus étant automatisé (sauf si l’option de médiation avant achat est sélectionnée). L‘intervention des bibliothécaires gestionnaires des ressources électroniques se situe en amont (paramétrage du pool) et en aval (analyse des titres achetés pour évaluer leur pertinence et leur utilisation).
Néanmoins, le PDA comporte également certains désavantages. Suivant la méthode de validation d’achat retenue, il n’est pas forcément possible de contrôler finement la pertinence des titres acquis : c’est le cas de la méthode d’achat sans médiation. Certaines collections thématiques sont larges et regroupent des ouvrages de niveau hétérogène et sur des sujets très variés, qui peuvent ne pas correspondre au profil de l’institution, même si la thématique générale semble pertinente. Dans le cas du PDA mis en place à l’EPFL, la thématique « géographie » avait semblé intéressante dans un premier temps : a posteriori il s’est avéré qu’elle contenait des e-books pertinents, mais également, après analyse des achats, des guides de voyage dont l’intérêt est moindre pour une école polytechnique.
Pour un accès illimité à un titre, le prix constaté des e-books disponibles via des agrégateurs est plus élevé que si l’achat est effectué directement chez l’éditeur, et les accès sont souvent plus restrictifs (DRM) : limites d’accès simultanés, de téléchargement, d’impression, etc. Il est également souvent nécessaire d’avoir un logiciel externe (ex. : Adobe Digital Editions) pour pouvoir télécharger le titre dans son intégralité.
Test du PDA à la Bibliothèque de l’EPFL
La Bibliothèque de l’EPFL a commencé par tester ce modèle d’acquisition pendant une année, de septembre 2019 à septembre 2020. Trois fournisseurs ont été identifiés et évalués avant lancement : ProQuest, EBSCO et Dawsonera. Tous trois offraient des fonctionnalités de paramétrage du pool, d’ajustement de la somme consacrée aux acquisitions, ou encore de production de rapports. Le choix s’est finalement porté sur ProQuest Ebook Central, en raison de la taille et de la couverture éditoriale de son catalogue, ainsi que de son interface plus intuitive.
Lors de la période d’essai, plusieurs critères ont été retenus lors du paramétrage du pool :
- Date d’ajout des documents sur la plateforme, date de copyright et date de publication plus récente que 01.01.2018 ;
- Exclusion des éditeurs chez lesquels nous acquérons des e-books en direct (à la pièce, packages et abonnements) ;
- Prix d’achat par titre : entre 25 et 175 EUR ;
- Langue : français ou anglais ;
- Thématiques en rapport avec le profil d’enseignement/recherche de notre institution, choisies en collaboration entre les bibliothécaires gestionnaires des ressources électroniques et les bibliothécaires de liaison : 30 thèmes sélectionnés sur 54, exclusion des œuvres de fiction et de la littérature jeunesse.
Avec le fournisseur retenu, l’achat d’un titre se fait suivant l’option « 1U » (One user) avec un seul accès simultané. Pour éviter l’acquisition d’un titre qui ne sera peut-être utilisé qu’une seule fois, une option de location « short term loan » a été mise en place avant l’achat : cette option n’est pas disponible pour l’ensemble des titres du pool, mais lorsque la location coûte moins de 100 EUR ou moins de 50 % du prix d’achat du titre, une location d’un ou de sept jours se déclenche. L’achat définitif se fait après deux locations. Pour les titres sans option de location, l’achat se fait dès la première consultation.
Pour le PDA, la Bibliothèque de l’EPFL fixe une enveloppe budgétaire, d’où seront débités les montants des titres achetés. Ce dépôt est réapprovisionné au besoin. Certains fournisseurs proposent également de régler les achats avec une facture en fin de mois. Nous avons préféré le dépôt afin de contrôler et évaluer les dépenses plus facilement. Au début du test, un premier dépôt de 5 000 EUR a été effectué, puis un deuxième versement, pour la même somme, huit mois plus tard. Pour ne pas introduire de biais d’appréciation, l’équipe des ressources électroniques a décidé d’utiliser un budget dédié et de ne pas prélever cette somme sur les enveloppes affectées aux bibliothécaires de liaison.
À la fin de l’année de test, 105 titres avaient été achetés et 199 loués, pour un total de 224 titres uniques, certains ayant été loués puis achetés. Le coût moyen d’un e-book acheté dans ce modèle PDA est de 65,3 EUR et de 9,3 EUR pour une location. 8 381 EUR ont été dépensés sur les 10 000 EUR versés durant la phase de test.
Walters (2012) note qu’il est important de contrôler les achats de titres par PDA, que ce soit par médiation au moment de l’achat ou par analyse une fois l’achat réalisé. À la fin du test, nous avons pris le temps d’analyser les titres achetés pour identifier les dysfonctionnements éventuels et ajuster le paramétrage du pool.
Cette analyse nous a permis de réaliser que la sélection thématique initiale n’était pas suffisamment fine : certains thèmes étaient trop génériques et ne correspondaient pas au profil enseignement/recherche de notre institution. Nous avons trouvé certains titres non conformes à la politique documentaire de la Bibliothèque, qui n’auraient pas été achetés selon la voie traditionnelle, comme des guides de voyage ou des biographies d’hommes politiques par exemple. Après l’analyse des titres achetés, nous avons également réévalué les thèmes mis à disposition pour valider leur pertinence avec l’aide des bibliothécaires de liaison.
En parallèle de l’analyse thématique, la Bibliothèque a changé de résolveur de liens. Jusqu’en décembre 2020, la Bibliothèque de l’EPFL utilisait le résolveur de liens SFX (Ex Libris) pour signaler les ressources électroniques. Afin de ne pas le surcharger avec les notices provenant du PDA, le test a été réalisé avec un nombre limité de documents. Il y avait environ 20 000 titres au début du test et 30 000 à la fin. Désormais, avec Alma (Ex Libris) qui a remplacé SFX, il n’y a plus de contraintes liées à la limite du nombre de notices.
Grâce au changement de notre SIGB et du résolveur de liens, ainsi qu’aux analyses effectuées à la fin de la période de test, les critères de paramétrage du pool ont été révisés comme suit en mai 2021 :
- Date d’ajout des documents sur la plateforme, date de copyright et date de publication avec un moving wall des trois dernières années ;
- Pas de changement concernant l’exclusion des éditeurs chez lesquels nous achetons des e-books en direct (à la pièce, packages et abonnements) ;
- Prix d’achat maximum : 200 EUR ;
- Pas de changement sur la langue des documents : langue française ou anglaise ;
- Thématiques en rapport avec le profil d’enseignement/recherche de notre institution, choisies en collaboration entre les bibliothécaires des ressources électroniques et les bibliothécaires de liaison : 27 thèmes sélectionnés, exclusion des ouvrages de fiction et de la littérature jeunesse ; neuf thèmes ont été supprimés et six ont été ajoutés.
Après ces modifications, le nombre de documents dans le pool est passé à près de 30 000 titres. La taille n’a donc pas augmenté comme on aurait pu le penser, mais son contenu a été affiné, pour offrir des documents plus pertinents au regard de la politique documentaire. L’analyse des acquisitions survenues depuis la modification du pool montre que ces changements ont porté leurs fruits : il y a eu très peu d’e-books non pertinents et seules des erreurs d’indexation de la part du fournisseur peuvent ponctuellement afficher des titres inadaptés.
L’ajout et la maintenance des titres du PDA de ProQuest dans notre outil de découverte (Primo) ont été grandement facilités avec l’arrivée d’Alma. En effet, Ex Libris et ProQuest ont créé un profil d’importation quotidien, gérant automatiquement dans Alma les ajouts et suppressions des titres du pool. Les titres acquis changent également automatiquement le statut dans Alma de « Candidat PDA » en « Titre acquis ». Ainsi, il est facile de créer des rapports dans Alma Analytics, l’outil statistique d’Alma, pour connaître les titres faisant partie du PDA ou pour créer des analyses sur les acquisitions par PDA. Une fois paramétré, il n’y a plus besoin d’intervention de la part des bibliothécaires pour tenir à jour les titres provenant du PDA. Cela représente un important gain de temps par rapport aux autres modèles d’acquisition qui nécessitent une gestion manuelle dans le SIGB durant les différentes étapes de leur acquisition.
Bilan après deux ans
Après plus de deux ans d’utilisation du PDA, nous disposons d’un recul suffisant pour évaluer sa pertinence et mesurer correctement ses bénéfices.
Notre outil de découverte s’est considérablement étoffé grâce au pool (plus de 30 000 titres), le temps de mise à disposition est réduit à zéro et logiquement, chaque document acquis à travers le modèle PDA a fait l’objet d’au moins un accès.
Nous avons surveillé si les titres du PDA suscitent des consultations sur le moyen terme. En 2021, 114 titres sur les 220 acquis depuis le lancement du projet du PDA ont été utilisés, ce qui correspond à 51,8 %. Concernant les titres acquis hors PDA sur Ebook Central, 75 titres sur 247 acquis[1] ont été utilisés, soit 30,3 %. Les documents provenant du PDA sont donc largement plus utilisés que ceux acquis par achat direct chez Ebook Central. A noter tout de même que 43 % des titres acquis via le PDA l’ont été pendant l’année 2021, ce qui leur garantit au moins un usage durant l’année.
Durant l’année 2021, il y a eu 221 locations pour un montant de 2 384,30 EUR. Le prix moyen de la location est de 10,8 EUR. Le coût des locations a donc légèrement augmenté par rapport à l’année de test. Sur les 178 titres uniques qui ont eu une ou deux locations, seulement 24 ont été finalement achetés. La demande pour des documents que nous n’avons pas à la Bibliothèque a donc été avérée.
Les achats de l’année 2021 représentent 96 titres, pour une somme de 5 346,96 EUR. Le coût moyen d’un achat d’e-book est de 55,7 EUR, ce qui est plus bas que durant le test (65,3 EUR). C’est également plus bas qu’un e-book acheté chez Ebook Central hors du modèle PDA (120,6 EUR en moyenne).
En 2021, la Bibliothèque de l’EPFL a acquis 430 e-books à la pièce, tous fournisseurs confondus. Les achats par PDA constituent donc près de 20 % des acquisitions des e-books à la pièce (Figure 1). Le modèle d’acquisition par PDA offre ainsi un bon complément aux achats des bibliothécaires de liaison. Il est intéressant de se pencher sur la répartition par thématique des titres acquis par PDA (Tableau 1).
Liaison | Titres PDA | Titres achat à la pièce |
Informatique | 36 | 13 |
Sciences humaines et sociales | 14 | 27 |
Sciences et techniques de l’ingénieur | 14 | 13 |
Architecture | 8 | 10 |
Management | 7 | 16 |
Sciences de la vie | 6 | 13 |
Environnement | 4 | 60 |
Mathématiques | 4 | 36 |
Urbanisme | 1 | 14 |
Chimie | 1 | 94 |
Génie civil | 1 | 40 |
Physique | 0 | 22 |
Divers | 0 | 72[2] |
La répartition des achats PDA par domaine montre que les liaisons qui bénéficient du plus grand nombre d’achats par PDA sont des liaisons qui achètent principalement peu de titres à la pièce. Par exemple, la liaison « informatique » fait peu d’achats à la pièce, mais on remarque que la demande des usager·ères est élevée, que ce soit au niveau des achats (Tableau 1) ou des usages (Tableau 3).
Les achats du PDA peuvent ainsi orienter les bibliothécaires de liaison sur des sujets populaires auprès de nos usager·ères et actuellement peu couverts dans nos collections. La liste des achats par PDA, transmise chaque année aux bibliothécaires de liaison, peut les aider à étoffer leurs choix d’acquisition, tout en améliorant le paramétrage du pool.
Thèmes | Nombre de titres |
Business/Management | 7 067 |
Fine Arts (Architecture) | 6 348 |
Medicine | 3 958 |
Education | 3 439 |
Economics | 3 152 |
Engineering | 2 577 |
Computer Science/IT | 2 310 |
Science | 2 258 |
Social Science | 1 800 |
Agriculture | 1 504 |
Concernant les titres utilisés, ils correspondent bien aux domaines d’étude et de recherche de notre institution. Le tableau suivant indique les cinq sujets les plus consultés dans le cadre du PDA, d’après une analyse de ProQuest Ebook Central (Tableau 3). Ils comprennent toutes les utilisations des titres du pool, locations et achats compris. Les sujets les plus consultés sont en adéquation avec notre politique documentaire et les thématiques que nous couvrons à la Bibliothèque.
Sujets | Nombre de unique title |
Computer Science/IT | 234 |
Engineering | 83 |
General Works/Reference; Science | 38 |
Architecture | 36 |
Mathematics | 32 |
Nous remarquons que le sujet « Computer Science/IT » est largement plus populaire que les autres sujets, que ce soit en nombre d’achats ou au niveau des usages. Si l’on met en relation les cinq sujets les plus consultés (Tableau 3) avec le total des documents disponibles dans le PDA (Tableau 2), le sujet « Computer Science/IT » est bien plus utilisé proportionnellement au nombre de titres disponibles (septième sujet le plus fourni) que les sujets les plus fournis comme « Business/Management » ou « Fine Arts » (ce qui est cohérent, puisque ces derniers ne font pas partie des facultés de l’EPFL). « Mathematics » représente bien les changements effectués dans le pool en 2021. Ajouté en mai 2021, il est déjà dans le top cinq des sujets les plus consultés.
Enseignements du modèle PDA à la Bibliothèque de l’EPFL
Bien que les titres provenant du PDA soient plus utilisés sur Ebook Central que les achats à la pièce, il serait malvenu de retenir ce seul modèle d’acquisition au détriment des autres. Pour Walters (2012), les usager·ères qui déclenchent l’acquisition de ces titres via le PDA ne sont pas formé·es aux acquisitions et n’ont pas une vision d’ensemble de notre collection, contrairement aux bibliothécaires. Certains des titres acquis sont très généralistes ou en rapport avec un sujet d’actualité, leur popularité sera sans doute éphémère, ce qui sera moins le cas des acquisitions réalisées par les bibliothécaires de liaison. Le PDA est un bon complément aux autres modèles d’acquisition, mais d’après Walters, il n’est ni possible ni souhaitable d’acquérir les e-books uniquement par ce biais.
À l’inverse, après un test du modèle PDA sur une période donnée, la bibliothèque de l’Université de l’Alabama a décidé d’utiliser le PDA comme modèle d’acquisition principal. D’après les auteur·rices, il ne faut justement pas se baser sur la qualité du contenu, mais uniquement sur ce qui est réellement utilisé par les usager·ères, quelle que soit la qualité ou la durée d’utilisation (Arthur & Fitzgerald, 2020).
Cela renvoie au questionnement essentiel, présent dans les bibliothèques depuis de nombreuses années : comment acquérir les meilleurs documents pour la bibliothèque et les usager·ères ? Quels sont les critères importants ? La pertinence d’un document doit-elle être définie par les bibliothécaires ou renvoie-t-elle à ce que les usager·ères utilisent réellement ? Comment acheter intelligemment lorsque l’on a un budget limité ? Est-ce pertinent d’acheter des titres qui ont un intérêt thématique pour la collection, mais sans certitude qu’ils seront consultés ou plutôt attendre que les usager·ères demandent un titre, quitte à ce qu’il ne soit plus consulté par la suite ? Faut-il acheter les titres ou les demander en prêt entre bibliothèques ailleurs ? Toutes ces questions sont légitimes et il n’existe actuellement pas une réponse universelle. Chaque bibliothèque décide ce qui est le plus adapté au profil du public ou de l’institution qu’elle dessert.
La Bibliothèque de l’EPFL a fait le choix du PDA en complément d’autres modes d’acquisition, après un test fructueux. Elle y voit la possibilité de donner à ses usager·ères l’opportunité d’intervenir dans ses acquisitions. Naturellement, les bibliothécaires gestionnaires des ressources électroniques continuent à suivre de près la pertinence et le coût de ces achats. L’impact organisationnel très faible de ce modèle, sur les bibliothécaires de liaison ainsi que les bibliothécaires de l’équipe des ressources électroniques, induit un grand gain de temps contrairement aux autres types d’acquisition. Le budget consacré annuellement à ce modèle représente une mince partie du budget total consacré aux acquisitions d’e-books (moins de 2 % du budget total). Le PDA s’inscrit ainsi dans une volonté de diversifier les modalités d’acquisition, chacune contribuant à un développement pertinent et raisonné des collections.
Evidence-Based Acquisition
Description du modèle
Le modèle d’acquisition dit « Evidence-Based Acquisition » (EBA) ou « Evidence-Based Selection » (EBS) se fonde sur les statistiques d’usage, et à la différence du PDA, les acquisitions ne sont pas immédiates, elles résultent de l’analyse des usages sur une longue période. Dans ce modèle, une somme de départ est payée par la bibliothèque cliente pour ouvrir l’accès pendant une période donnée, généralement une ou deux années, à tout ou partie de la collection d’e-books d’un éditeur. Selon l’éditeur, la bibliothèque dispose de plus ou moins de flexibilité dans la somme de départ et/ou dans le choix des collections accessibles. Les lecteur·rices peuvent ainsi consulter sans restriction un grand nombre de titres, souvent plusieurs milliers, pendant toute la durée du programme EBA, sans pour autant que ces titres aient tous été acquis. Au terme de la période de l’EBA, les statistiques d’usage des collections ouvertes sont fournies par l’éditeur et la bibliothèque peut sélectionner des titres, généralement au prix catalogue, dans les limites de la somme payée au départ. Les titres choisis en fin de période sont acquis de manière pérenne et resteront donc accessibles après la fin du programme.
De nombreux éditeurs proposent aujourd’hui ce modèle : on peut citer Wiley, Taylor & Francis, Oxford University Press, Cambridge University Press, JSTOR ou encore Elsevier. Springer a également fait une première incursion sur le terrain de l’EBA en 2021 avec son programme « Access & Select » essentiellement conçu pour les bibliothèques n’ayant que peu de contenus déjà acquis sur SpringerLink.
Avantages et inconvénients de l’EBA
Le premier avantage de ce modèle est l’accès à un grand nombre de titres sans restriction d’utilisation de type DRM, dès leur parution pour les plus récents, pendant au moins toute une année sans les acquérir. Le second avantage est la réalisation d’acquisitions en fonction des besoins exprimés et non supposés des usager·ères en fin de période d’accès. Ces acquisitions sont en effet essentiellement réalisées sur la base des statistiques d’usage COUNTER, même si nous verrons que la contribution des bibliothécaires de liaison a son importance. Bien que ces statistiques demeurent un indicateur majeur de la pertinence des collections en bibliothèque, elles ne rendent compte que d’un usage brut qu’il convient d’analyser pour tenter de déterminer s’il exprime un besoin réel et/ou durable.
Ce modèle d’acquisition a déjà été très étudié dans les bibliothèques universitaires et les consortiums de bibliothèques qui l’utilisent parfois de manière intensive. L’étude de Abresch et al. (2017) expose clairement les objectifs des programmes d’EBA pour l’Orbis Cascade Alliance : prévisibilité des coûts, stabilité des titres et du signalement, titres récents sans DRM, large éventail de contenus répondant aux besoins des diverses institutions membres d’un consortium. Cette étude relève également quelques difficultés, en particulier la gestion et la communication aux bibliothécaires qui deviennent plus complexes à mesure que de nouveaux programmes d’EBA sont adoptés, chacun ayant ces spécificités en termes de coût, de collections accessibles ou encore de durée.
Un des principaux inconvénients de ce modèle est d’abord le prix des titres acquis qui ne bénéficient généralement pas de rabais, à la différence par exemple des achats dits « Pick&Mix » qui consistent en l’acquisition d’un grand nombre de titres dans une même commande chez un même éditeur. Un autre désavantage est une gestion plus complexe et nécessitant davantage de temps et de personnel pour les équipes en charge des ressources électroniques, contrairement à d’autres modalités d’acquisition des e-books comme l’achat de collections ou le PDA.
L’expérience de l’EBA de Wiley à la Bibliothèque de l’EPFL
La Bibliothèque de l’EPFL a commencé au premier janvier 2021 deux programmes d’EBA d’un an, aux profils bien différents, avec les éditeurs Wiley et Wageningen Academic Publishing. La Bibliothèque travaillant déjà depuis de nombreuses années avec Wiley, avait déjà réalisé de nombreuses acquisitions pérennes et disposait aussi d’abonnements d’e-books, alors que Wageningen était un tout nouveau fournisseur. Seul le programme EBA de Wiley a fait l’objet d’analyses poussées, en raison de l’importance des collections et de l’ancienneté de la collaboration, et sera donc étudié en détail dans cet article.
Wiley proposait deux options à prix fixes : l’accès aux trois années de parution 2019-2021 tous domaines confondus ou l’accès aux dix années de parution 2011-2021 tous domaines confondus. Ces options, ainsi que leur prix, n’étaient pas flexibles, les années de parution et les thématiques ne pouvaient pas être adaptées, et les ouvrages de référence étaient exclus. D’autre part, la Bibliothèque de l’EPFL se trouvait confrontée à l’augmentation très importante du coût de la collection annuelle d’e-books en chimie de Wiley, qu’elle acquérait en principe chaque année et qui constituait l’essentiel de la dépense chez cet éditeur pour les e-books, le reste étant consacré aux achats à la pièce dans divers domaines. Sur la base des dépenses des années précédentes, bien qu’inférieures certaines années à la somme de l’EBA, la Bibliothèque a donc choisi la première option du programme EBA : l’accès aux trois années de parution 2019-2021 pour 25 000 USD.
Le rapport entre la valeur des collections accessibles (2019-2021), c’est-à-dire l’addition des prix à la pièce de tous les titres, et le prix de l’EBA était favorable : la valeur des collections accessibles représentait environ 14 fois le prix de l’EBA. Negrea (2019) note que la moyenne est généralement autour de 10 fois, mais cela peut parfois être plus, ou moins comme l’ont noté McCord et Hendrikx (2021) qui annoncent pour leurs 11 EBA une moyenne de sept fois le prix de la mise de départ.
Le contrat avec Wiley permettait à la Bibliothèque de l’EPFL d’opérer une première sélection après dix mois d’usage en novembre 2021, puis une seconde sélection affinée en janvier 2022 grâce aux statistiques des deux derniers mois de l’année 2021. Au début du mois de novembre 2021, les statistiques d’usage COUNTER étaient disponibles et ont été enrichies et analysées par la bibliothécaire chargée des acquisitions d’e-books, ce qui a apporté divers résultats dont la Bibliothèque a pu tirer des enseignements, notamment pour étayer la prise de décision. L’enrichissement des statistiques brutes a représenté un important travail d’ajout des données de thématiques et de prix, mais aussi de repérage des titres inclus dans le programme EBA, des titres déjà acquis les années précédentes, et des ouvrages de référence exclus du programme EBA. Il s’est également avéré que la colonne « Year of Publication » (YOP) du rapport COUNTER TR_B1 ne correspondait pas nécessairement aux années de parution ou « Copyright year » des listes de titres disponibles sur le site de l’éditeur. Il n’a donc pas été possible de se fier uniquement à cette donnée pour isoler les titres 2019-2021 inclus dans notre programme EBA.
Environ 2 263 titres étaient inclus dans les collections accessibles dans notre programme EBA au 1er novembre 2021, et 10,5 % d’entre eux étaient présents dans les statistiques d’usage, soit 237 titres. On peut éventuellement ajouter 69 titres de 2019 et 2020, donc inclus dans les collections EBA, qui ont été utilisés mais avaient déjà été acquis précédemment. Depuis que la Bibliothèque de l’EPFL travaille avec le fournisseur Wiley, elle a acquis 1 781 e-books, et 525 d’entre eux ont été utilisés en 2021, soit 29,5 % (Tableau 6).
Au total, 2 075 titres ont été utilisés en 2021 sur les 10 mois (Figure 2), incluant des titres accessibles dans le cadre de l’EBA, des titres acquis les années précédentes (ouvrages de référence inclus) et des titres non acquis. Les 237 titres inclus dans le programme EBA représentent 11,4 % des titres utilisés. Le reste des titres utilisés sont pour 25,3 % des titres acquis précédemment et pour 63,3 % des titres qui ne sont ni acquis, ni inclus dans les collections EBA. Dans ce dernier cas, l’usage porte sur la consultation gratuite des premiers chapitres. Ce nombre important relativise la traduction en besoins des usages comptabilisés dans les rapports COUNTER, ces e-books non accessibles n’ont majoritairement pas fait l’objet d’un prêt de la version imprimée, de demande d’acquisition ou de demande de PEB.
Le total des usages « Unique Title Request » (COUNTER TR_B1) est de 5 768, et les titres inclus dans l’EBA représentent 445 usages, soit 7,7 %. Les autres usages sont pour 53,4 % des usages de titres acquis précédemment et pour 38,9 % des usages de titres non-acquis. Les titres acquis les années précédentes ont été utilisés en moyenne 5,8 fois chacun, ce qui reste dans la tendance des années précédentes, en revanche les titres inclus dans l’EBA ont été utilisés en moyenne 1,8 fois chacun (Tableau 4). En effet, seulement un tiers des 237 titres EBA utilisés l’ont été plus d’une fois (Tableau 5), et le titre le plus utilisé l’a été douze fois.
Catégories | Nb moyen d’usages |
Titres déjà acquis (525 titres utilisés 3 080 fois) | 5,87 |
Titres EBA (237 titres utilisés 445 fois) | 1,88 |
Titres non-acquis (1 313 titres utilisés 2 243 fois) | 1,71 |
Usage des titres EBA | Nb de titres | % de titres |
Utilisés plus de 4 fois | 18 | 7,6 % |
Utilisés plus de 2 fois | 42 | 17,7 % |
Utilisés plus de 1 fois | 82 | 34,6 % |
Utilisés seulement 1 fois | 155 | 65,0 % |
Nombre de titres acquis jusqu’au 01.01.2021 (dont ouvrages de référence) | 1 781 |
Nombre de titres acquis utilisés en 2021 (dont ouvrages de référence) | 525 |
Pourcentage des titres acquis utilisés en 2021 | 29,5 % |
La répartition thématique des titres des collections EBA utilisés a montré la prédominance de deux domaines, en lien avec la composition thématique des collections d’e-books de Wiley : les sciences de l’ingénieur pour 47,7 % et la chimie pour 18,1 % (Tableau 7). La répartition thématique des statistiques 2021 dans leur entièreté est en revanche nettement dominée par la chimie, ce qui est parfaitement logique, étant donné les acquisitions largement majoritaires dans ce domaine durant de nombreuses années (Tableau 8).
Thèmes | Nb de titres | % de titres utilisés | Nb d’usages (UTR[3]) | % des usages |
Physical Sciences & Engineering | 113 | 47,7 % | 241 | 54,16 % |
Chemistry | 43 | 18,1 % | 91 | 20,45 % |
Computer Science & Information Technology | 16 | 6,8 % | 24 | 5,39 % |
Mathematics & Statistics | 16 | 6,8 % | 22 | 4,94 % |
Earth, Space & Environmental Sciences | 10 | 4,2 % | 15 | 3,37 % |
Thèmes | Nb de titres | % de titres utilisés | Nb d’usages (UTR) | % des usages |
Chemistry | 774 | 37,30 % | 2 955 | 51,23 % |
Physical Sciences & Engineering | 711 | 34,27 % | 1 569 | 27,20 % |
Life Sciences | 100 | 4,82 % | 334 | 5,79 % |
Mathematics & Statistics | 149 | 7,18 % | 262 | 4,54 % |
Humanities | 75 | 3,61 % | 90 | 1,56 % |
Les années de parution des titres consultés en 2021 sont très variées (Tableau 9), il ressort que seulement 24 % des titres consultés ont une année de parution entre 2017 et 2021, et 27 % entre 2012 et 2016.
Année (YOP) | Nb de titres | % des titres |
2017-2021 | 506 | 24,4 % |
2012-2016 | 556 | 26,8 % |
2007-2011 | 446 | 21,5 % |
2002-2006 | 329 | 15,9 % |
Antérieures | 238 | 11,5 % |
Il en va de même des titres présents dans les statistiques d’accès refusé (COUNTER TR_B2) : 13 % des titres ont une année de parution entre 2017 et 2021, et 28 % entre 2012 et 2016.
Les statistiques d’accès refusé de 2021, mais aussi des deux années précédentes, ont également été analysées de manière plus approfondie. Nous avons ainsi pu noter dans 22,4 % des cas un recoupement des 237 titres EBA utilisés en 2021 avec les statistiques d’accès refusé des deux années précédentes. Ces statistiques d’accès refusé, ainsi que les statistiques d’usage des titres non-acquis en 2021 (pour rappel 63 % des titres consultés), nous ont montré que de nombreux titres non couverts par notre programme d’EBA semblent susciter de l’intérêt de nos usager·ères, en particulier des ouvrages de référence. En effet, le rapport TR_B2 indique que le titre avec le plus grand nombre de tentatives d’accès dispose de 178 tentatives.
Ces quelques chiffres sont riches en enseignements. Contrairement à nos attentes, les statistiques d’usage des titres inclus dans notre programme EBA n’ont pas été très élevées, et la chimie n’a pas été le domaine le plus utilisé, les titres en sciences de l’ingénieur ont été davantage consultés. Le fait que la Bibliothèque de l’EPFL ait réalisé des achats chez Wiley jusqu’à l’année précédant la mise en place de l’EBA a obligatoirement été à l’origine de quelques recoupements avec les collections incluses dans l’EBA. Et les usages des titres déjà acquis parus en 2019 et 2020 ont été assez bons (pour rappel, 29,3 % des titres acquis avec année de parution 2019 ou 2020 ont été consultés en 2021). Les autres acquisitions réalisées par les bibliothécaires de liaison les années précédentes peuvent aussi être jugées globalement pertinentes car bien utilisées, en nombre de titres (29,5 %) et en nombre d’usages (en moyenne 5,8 fois chacun). Globalement les statistiques d’usage de 2021 ont montré que les titres les plus utilisés ne sont pas forcément les plus récents, d’où la relative faiblesse des statistiques d’usage des titres du programme EBA tel qu’il était en place en 2021. Cela se vérifie aussi au niveau des statistiques d’accès refusé, les titres les plus plébiscités ne sont pas récents. McCord et Hendrikx (2021) ont également noté dans leurs programmes d’EBA que les titres récents ne sont pas plus utilisés que les titres anciens. Le test de l’EPFL confirme qu’il faut souvent plusieurs années après sa parution à un titre pour trouver son public ou le chemin vers la bibliographie des professeur·es. Si besoin était de le prouver encore, le règne de l’immédiateté des journaux ne s’applique pas aux monographies.
La sélection finale des e-books
La Bibliothèque de l’EPFL avait décidé de ne pas imputer directement la somme sur les budgets des bibliothécaires de liaison afin de se focaliser en priorité sur les statistiques d’usage. Une répartition initiale du montant de l’EBA entre différent·es bibliothécaires aurait pu favoriser une sélection des titres par domaine, plutôt que selon les statistiques, pour correspondre à la somme dépensée par chacun au départ. Cependant il avait été établi que la liaison de chimie bénéficierait de la primauté dans la sélection finale des titres, dans la mesure où la frontlist de chimie représentait la plus grande part des dépenses des années précédentes.
Wiley a permis à la Bibliothèque de réaliser des sélections en dehors des trois années de parution accessibles dans le programme EBA. Ainsi la chimie et les autres liaisons ont pu réellement acquérir des titres qui suscitaient de l’intérêt sans se limiter à trois années de parution. La sélection du bibliothécaire de liaison en chimie en novembre 2021 a été plus faible qu’initialement envisagée, du fait du nombre de titres réellement utilisés et pas encore acquis dans ce domaine. Elle a été utilement complétée par des titres hors EBA qui figuraient dans les statistiques d’usage 2021 et aussi dans les statistiques d’accès refusé. Quelques titres inclus dans notre programme EBA mais absents des statistiques d’usage ont aussi été « repêchés » dans la sélection du bibliothécaire de liaison en chimie. Les autres domaines ont pu bénéficier d’une place plus grande qu’initialement prévue dans la sélection finale.
La sélection finale des titres, incluant la sélection de chimie, a été réalisée en janvier 2022 par la bibliothécaire chargée des acquisitions d’e-books et a été soumise aux bibliothécaires de liaison afin d’être affinée grâce à leur connaissance de leurs domaines et des pratiques de leurs communautés. Cette sélection a été réalisée selon plusieurs critères :
- Sélection du bibliothécaire de liaison de chimie ;
- Titres inclus dans les collections de l’EBA ayant été utilisés au moins une fois et ayant été signalés comme intéressants en cours d’année 2021 par certain·es bibliothécaires de liaison ;
- Nombre d’usages en 2021 et bonne répartition sur plusieurs mois de ces usages. La distribution sur plusieurs mois des usages indique en effet la constance de l’intérêt pour un titre, tandis que la concentration des usages sur une période très courte indique un intérêt éphémère ;
- Année de publication ;
- Nombre d’accès refusés en 2021 et bonne répartition sur plusieurs mois de ces tentatives d’accès ;
- Nombre d’accès refusés en 2019-2020 et bonne répartition sur plusieurs mois de ces tentatives d’accès.
Seule la bibliothécaire de liaison en environnement a souhaité remplacer des titres sélectionnés dans son domaine sur la base de signalements en cours d’année 2021 par d’autres titres utilisés un plus grand nombre de fois. Le reste de la sélection finale a été conservée telle quelle, mais tou·tes les spécialistes disciplinaires ont examiné chaque titre afin de valider sa pertinence dans la sélection. Il faut également souligner l’importance de l’analyse fine des statistiques d’usage, notamment la répartition des consultations sur plusieurs mois de l’année et l’exploitation des accès refusés. Grâce à la combinaison de ces facteurs, une partie des données brutes d’usage a ainsi pu être interprétée comme l’expression d’un besoin. La sélection soumise à Wiley à la fin du mois de janvier 2022 comptait en tout 121 titres, dont 48 pour la liaison de chimie, 45 pour les sciences de l’ingénieur, sept pour les sciences de la vie, sept pour l’environnement et 14 dans d’autres domaines. Parmi ces titres, 73 étaient inclus dans notre programme d’EBA, les autres e-books ont été sélectionnés parmi les titres avec des accès refusés et parmi les 63 % de titres consultés et non accessibles (Figure 2).
D’autres expériences montrent que la sélection ne s’effectue pas seulement sur la base des statistiques d’usage, mais qu’elle nécessite une collaboration étroite avec les spécialistes disciplinaires. À la Western University, McCord et Hendrikx (2021) notent que l’usage des monographies ne peut pas être interprété de la même manière que celui des journaux, ils remarquent aussi que les usages minimums déclenchant l’achat peuvent être affinés selon les disciplines. Certaines facultés peuvent en effet avoir été plus actives pendant la durée de l’EBA au détriment d’autres, indépendamment de leur taille, et l’implication des bibliothécaires de liaison permet de réduire le biais de la discipline privilégiée : des titres avec des statistiques légèrement trop basses par rapport au seuil peuvent être « repêchés ». D’autre part, lors de l’arrêt du programme EBA, certains titres qui ne sont plus accessibles peuvent être demandés par les usager·ères et être acquis ou intégrés dans un programme de PDA. Solomon et Gray (2018) soulignent également l’importance pour la Case Western Reserve University de la collaboration entre les bibliothécaires spécialisé·es et le personnel chargé des acquisitions lors des phases de décision. Le modèle EBA présente enfin selon eux un avantage en termes de temps pour les bibliothécaires spécialisé·es, car la mise en œuvre du programme est essentiellement gérée par les équipes en charge des ressources électroniques.
Lors de cette expérience du programme EBA de Wiley au cours de l’année 2021, la Bibliothèque de l’EPFL a rencontré quelques difficultés de signalement dans son outil de découverte. Tout d’abord, la collection des e-books Wiley 2021 dans la zone communautaire d’Alma[4] n’a été disponible et conforme aux attentes en termes de couverture des titres que plusieurs mois après le début de l’année 2021, le signalement de ces titres dans l’outil de découverte de la bibliothèque a donc pris du retard. Il s’est avéré également que les années de parution ou « Copyright year » telles qu’utilisées par Wiley dans les listes de titres disponibles sur son site web et les années de publication des titres présents dans les collections d’e-books 2019, 2020 et 2021 d’Alma ne correspondaient pas toujours, ainsi il a pu arriver que des titres exclus du programme EBA soient signalés dans notre outil de découverte. Enfin, nous avons également rencontré le cas de quelques titres retirés de la vente en cours d’année et pourtant encore référencés dans les collections d’Alma activées pour l’EBA.
L’étude de Abresch et al. (2017) souligne en effet que le signalement est rendu parfois difficile du fait de l’absence de certains titres dans la zone communautaire d’Alma. Robbeloth et al. (2017) ont étudié le programme EBA de Wiley adopté par le consortium de bibliothèques , l’Orbis Cascade Alliance, et relèvent eux aussi les défis du signalement des titres inclus dans le programme d’EBA.
Enseignements tirés du programme d’EBA de Wiley en 2021
En ne prenant en compte que les statistiques d’usage comme mesure des besoins, il apparaît clairement que les seules statistiques des titres du programme EBA ne suffisent pas. Il faut aussi prendre en considération les statistiques d’usage globales de 2021, notamment celles des titres non-acquis (premiers chapitres consultés gratuitement), ainsi que les statistiques des accès refusés.
Dans le cadre d’un programme EBA, il n’est en principe pas possible d’inclure d’autres titres que ceux accessibles via l’EBA dans la sélection finale, mais heureusement Wiley a permis à la Bibliothèque de l’EPFL d’effectuer ses sélections au-delà des collections incluses dans le programme EBA. Comme nous l’avons vu, les deux tiers des titres consultés inclus dans l’EBA ne l’ont été qu’une fois et, en principe, cela ne devrait pas nécessairement justifier un achat, c’est pourquoi il a été très utile de pouvoir sélectionner aussi d’autres titres. La sélection finale de la Bibliothèque a pu être finalisée et atteindre le montant initialement dépensé. Les propositions des bibliothécaires de liaison ont complété la sélection de titres préparée par la bibliothécaire chargée des acquisitions d’e-books.
L’offre pour le renouvellement du programme EBA en 2022, ainsi que l’offre pour la collection annuelle de chimie 2022, ont été reçues entre septembre et octobre 2021. La Bibliothèque a alors pris la décision de renouveler le programme EBA de Wiley en 2022, mais avec davantage d’années de parution (dix années). Cette décision a été prise d’une part sur la base des informations fournies par les statistiques d’usage sur les années de parution des titres plébiscités, et d’autre part en fonction du prix de la collection annuelle de chimie et de l’usage des titres acquis les années précédentes. Les statistiques ont en effet montré qu’environ un tiers des collections acquises était utilisé (Tableau 8), ce qui laisse penser que le coût par usage des collections annuelles et achats à la pièce est peut-être trop important. Cette décision sera évidemment questionnée à la fin de l’année 2022 et les stratégies d’acquisition chez Wiley pourront alors être revues.
Les monographies ne suscitent pas nécessairement l’intérêt des usager·ères dès leur parution et la sélection des titres conservés dans le cadre des deux années du programme d’EBA de Wiley permettront de combler, sur la base des usages, les lacunes des collections acquises avant 2021. La Bibliothèque de l’EPFL considère ainsi pour le moment ce modèle d’acquisition EBA comme une solution pertinente pour une période donnée d’une ou deux années, avant de revenir à des modes d’acquisitions plus classiques fondés sur les propositions d’achat et les statistiques d’usage (dont les accès refusés), ou d’envisager éventuellement de nouveau un programme d’EBA.
Sur le plan des ressources humaines, l’EBA représente une charge de travail plus importante que les autres modes d’acquisition pour l’équipe des ressources électroniques, notamment pour l’analyse et l’enrichissement des statistiques COUNTER brutes et pour la sélection finale. Conduire plusieurs programmes d’EBA simultanés avec des éditeurs importants ne serait pas gérable pour une équipe comme celle de la Bibliothèque de l’EPFL. En revanche, pour les bibliothécaires de liaison, le temps consacré au cours de l’année aux sélections, au traitement des propositions d’achat et au suivi budgétaire disparaît presque complètement, au profit d’un temps réduit consacré en fin d’année à la prise de décisions, sur la base de statistiques retravaillées par la bibliothécaire spécialiste des acquisitions e-books. Le rapport entre le bibliothécaire de liaison et l’acquéreur se trouve ainsi modifié par cette redistribution des responsabilités.
À titre comparatif, la Western University avait 11 programmes d’EBA en cours durant l’année 2021, McCord et Hendrikx (2021) ont présenté les enjeux et les défis de ce modèle. Ils évoquent entre autres les variations importantes d’un éditeur à l’autre en termes de collections et de prix, et la complexité des négociations chaque année : dépenses précédentes chez l’éditeur, collections ouvertes, mise de départ, fourniture des statistiques, rabais, etc. Les capacités de la bibliothèque de la Western Universityétant limitées, les opérations de gestion des programmes d’EBA doivent aussi être réalisables pour les équipes en charge des acquisitions. Ces opérations incluent la gestion du budget, le signalement pendant et après la période de l’EBA, la gestion des statistiques, et le dialogue avec les bibliothécaires spécialisé·es ou de liaison. Torbert (2020) de l’University of Mississippi remarque également qu’à la différence des modèles de PDA via un agrégateur, les bibliothèques dans un programme d’EBA travaillent directement avec l’éditeur et doivent assumer une plus grande partie de la charge administrative.
Davantage de recul sera nécessaire pour évaluer correctement l’impact du programme EBA de Wiley à la Bibliothèque de l’EPFL. Dans les prochaines années, il sera intéressant de savoir si le coût par usage des titres acquis via ce programme est plus faible que celui des autres titres acquis suivant d’autres modèles plus classiques chez le même éditeur. Le principal critère de réussite d’un programme d’EBA à la Case Western Reserve University (Solomon et Gray, 2018) est l’obtention d’un coût moyen par usage inférieur à celui des titres acquis selon d’autres modèles. D’après leur analyse et selon le profil des acquisitions globales dans leur institution, le programme EBA d’Elsevier a par exemple su remplir ce critère, tandis que celui de CRC Press a été jugé inadapté. C’est également l’approche adoptée par Tran et Guo (2021) dans les bibliothèques de l’Université de Stony Brook pour répondre aux besoins croissants en ressources électroniques avec un budget stable ou en baisse. Pour cette université, il est ainsi ressorti que les titres acquis via un programme d’EBA ont été un bon complément à la collection générale de livres électroniques, et tous les modèles d’acquisition ont continué de coexister.
Durant l’année 2021, les usager·ères de la Bibliothèque de l’EPFL ont eu accès à environ 2 500 titres, et durant l’année 2022 ce seront près de 12 000 titres accessibles avec des années de parution plus larges. Les coûts de ce modèle pour la Bibliothèque sont légèrement plus élevés que les acquisitions réalisées les années précédentes, la collection annuelle de chimie et les achats à la pièce représentaient entre 20 000 et 23 000 USD par année. Mais les collections accessibles sont quatorze fois plus importantes et les titres qui resteront accessibles en 2023 auront été choisis en fonction des besoins constatés à travers l’analyse des usages et la collaboration avec les spécialistes disciplinaires.
En plus du renouvellement du programme EBA de Wiley, la Bibliothèque de l’EPFL a également commencé un autre EBA avec l’éditeur IOP (Institute of Physics) en 2022. La différence majeure avec le programme EBA de Wiley, au-delà du coût plus faible, est avant tout le fait que la Bibliothèque n’a réalisé aucune acquisition d’e-books chez cet éditeur durant les trois dernières années, du fait de l’impossibilité de réaliser des achats à la pièce et du prix élevé des collections annuelles par rapport aux besoins estimés par le bibliothécaire de liaison chargé de la physique. Ce programme d’EBA semble donc une solution intéressante pour compléter nos collections chez cet éditeur en accord avec les besoins réels dans ce domaine.
Le panorama des offres d’EBA ne permet que peu de flexibilité aux bibliothèques clientes en termes de coûts et de collections accessibles, certains fournisseurs, indépendamment de la variété de leurs catalogues, proposent des offres trop rigides pour être adaptées aux besoins de toutes les institutions. Une offre idéale se rapprocherait davantage du PDA, elle permettrait entre autres à la bibliothèque cliente plus de souplesse dans le choix des années de parution et des thématiques accessibles. Cette offre donnerait le choix entre un accord d’une ou plusieurs années, notamment pour laisser le temps à certains titres récents de trouver leur public et pour répartir la charge de travail, et enfin elle devrait proposerait davantage de paliers dans la somme initiale.
Les offres de programmes d’EBA pourraient également être davantage pensées dans la durée, et permettre de redéfinir les sommes et les collections accessibles lors du premier renouvellement. La Bibliothèque de l’EPFL, comme de nombreuses autres, continuera de privilégier les programmes d’EBA les plus flexibles et adaptés au profil de l’institution ainsi qu’au budget disponible, et réinterrogera aussi chaque année la pertinence de ce modèle par rapport aux autres modalités de développement des collections de livres électroniques.
Conclusion
Les acquisitions d’une bibliothèque universitaire se doivent d’être variées et aussi pertinentes que possible pour les thématiques correspondant à l’institution liée. Il est difficile pour un·e bibliothécaire de liaison de connaître et d’acquérir l’ensemble des titres pertinents parus durant l’année. Permettre une acquisition selon d’autres systèmes offre la possibilité d’enrichir la collection de la bibliothèque. Le PDA comme l’EBA sont basés sur les demandes des usager·ères, mais s’appuient très largement sur l’expertise des bibliothécaires gestionnaires de ressources électroniques et des bibliothécaires de liaison, lors de l’élaboration du pool PDA et de la sélection finale des titres à acquérir dans le cadre des EBA.
Ces modèles permettent d’acquérir un contenu qui trouve sa légitimité dans une forte demande des usager·ères, soit à travers des consultations qui déclenchent un achat soit à travers les statistiques d’usage. C’est sur la durée que ces acquisitions peuvent conserver cette légitimité en continuant d’être utilisées, ou la perdre si le besoin ne s’inscrivait pas dans le temps, ce qu’il est malheureusement difficile d’anticiper. De nombreuses autres modalités d’acquisition comme les demandes reçues en prêt entre bibliothèques, les bibliographies des professeur·es et surtout les achats des bibliothécaires de liaison, grâce à leur expertise et leur relation avec leur section restent ainsi privilégiées dans la constitution de collections d’e-books.
Il n’est néanmoins pas interdit de se questionner sur l’utilité d’une sélection humaine dans notre contexte, ou en tout cas questionner le moment de l’intervention humaine. Actuellement le processus de sélection des e-books à la Bibliothèque de l’EPFL commence par une intervention humaine, puis finit par l’analyse des données statistiques pour contrôler l’usage des titres acquis. On pourrait envisager davantage de programmes d’EBA pour inverser cette tendance comme on l’a vu avec l’expérience de Wiley : partir des usages pour effectuer une partie des sélections, puis faire intervenir l’humain. L’expérience nous a en effet montré que l’exploitation des statistiques d’usage peut se suffire à elle-même pour les titres les plus consultés, puis elle devient plus délicate quand les chiffres de consultation baissent, dans ce cas les données laissent la place à l’intervention humaine pour finaliser la sélection.
Il est important d’analyser les données à disposition pour contrôler la pertinence des acquisitions, quelles que soient leurs modalités. Les statistiques d’usage COUNTER doivent être travaillées, enrichies, analysées, et il ne faut leur faire dire que ce qu’elles peuvent dire, et se rappeler aussi qu’elles ne sont qu’un des moyens possibles pour évaluer les besoins. Il faut expérimenter, ajuster, embarquer les bibliothécaires de liaison, considérer qu’en termes d’usage, les tendances ne sont pas forcément définitives. Il faut souvent du recul pour dire si un mode d’acquisition des e-books est pertinent, il faut du temps pour savoir si un titre acquis sera utilisé, si son prix est justifié.
L’ajout de ces deux modèles d’acquisition dans notre institution a permis de mettre à disposition plus de 32 500 titres pour les usager·ères en 2021, et plus de 40 000 en 2022, sans qu’ils soient préalablement acquis par la Bibliothèque. Au début de l’année 2023, seulement une petite partie de ces titres mis à disposition sera acquise de manière pérenne par la Bibliothèque. Ces acquisitions, réalisées sur la base des besoins exprimés à l’instant T pour le PDA et des usages sur une année pour l’EBA, présentent l’avantage de limiter par ailleurs les demandes d’acquisition classiques dont le processus d’achat prend plus de temps pour aboutir à l’ouverture de l’accès. Ces méthodes d’acquisition réduisent aussi potentiellement les conséquences des besoins non couverts (car passés hors des radars de sélection des bibliothécaires de liaison) sur d’autres services de la Bibliothèque comme le prêt en réseau ou la fourniture de copies.
Pour la Bibliothèque de l’EPFL, les modèles d’EBA et de PDA sont de bons compléments aux modèles déjà utilisés, malgré leurs limites, mais ne sauraient les remplacer. Tant que la demande et les usages resteront élevés et le prix raisonnable, ces modèles continueront à faire partie des acquisitions de la Bibliothèque.
Dans un contexte de restrictions budgétaires, il est compréhensible de vouloir ouvrir de vastes collections à moindre coût, de favoriser la pertinence immédiate des acquisitions, avec des dépenses rapidement justifiables. Pour autant la mesure des besoins réels est complexe et le développement des collections d’e-books mérite l’expertise de plusieurs professionnels différents, les bibliothécaires de liaison et les bibliothécaires gestionnaires de ressources électroniques. L’expérience de ces deux nouveaux modèles d’acquisition des e-books à la Bibliothèque de l’EPFL a permis à chacun de développer ses compétences, d’apprendre à aborder avec finesse les données d’expression des besoins, les consultations et les statistiques COUNTER, de découvrir (ou redécouvrir) la complexité de ce marché du livre électronique pour les bibliothèques. Les bibliothécaires ont pu voir les limites et les possibilités des offres existantes et ont appris à composer avec elles pour accomplir au mieux notre mission de mise à disposition de l’information.
Bibliographie
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- Titres acquis durant la même période que le modèle PDA (septembre 2019- décembre 2021). ↵
- Ce nombre correspond au rachat de titres suite à la faillite de Dawsonera en 2020. Ces titres n'ont pas été payés avec les budgets de liaison. ↵
- Unique Title Request (COUNTER) ↵
- La zone communautaire est un catalogue de données bibliographiques, ainsi que d'informations administratives et d'accès pour les ressources électroniques (partagées et enrichies par les bibliothèques et ExLibris) ↵