1. Reprendre le contrôle du numérique

Indépendamment de ce que le traitement de texte nous impose (voir plus loin), basé sur un impératif fonctionnel (Vitali-Rosati, 2024a) et un capitalisme de surveillance (Zuboff & Chalier, 2019), liberticides et privateurs, l’industrie informatique, pour exister, nous impose des solutions hi-tech de plus en plus performantes mais aussi de plus en plus chères, gourmandes en ressources énergétiques et en matériel, peu durables et fermées. On les utilise parce que ça marche (en général bien) mais de moins en moins de gens les maîtrisent vraiment…

Les choix technologiques de cette industrie ne sont pas neutres. “Tout programme incorpore des connaissances. Si le programme est privateur, il cache, il refuse ces connaissances aux étudiants, et cela va à l’encontre de l’esprit de l’éducation. […] Le logiciel libre respecte l’esprit de l’éducation en mettant les connaissances à disposition de tous. (Stallman et al., 2017)

Avec ce numérique et ce qu’il peut nous offrir mais aussi ce qu’il a tendance à nous imposer, il devient nécessaire de s’arrêter un moment et voir comment reprendre le contrôle.

Écologie numérique et développement durable

Il persiste beaucoup de contradictions sur les chiffres liés au numérique. Ce dont nous sommes certains (Petit, 2023) c’est que près de 80 % de l’empreinte écologique du numérique (eau, énergie, métaux précieux, autres matériaux…) est liée à la fabrication du matériel (voir données Ademe[1]) et que 80 % de la bande passante sur Internet est utilisée pour des contenus vidéo (essentiellement le streaming)[2].

Pour réagir, il faut repenser la matérialité du numérique (Bordage & Morelle, 2021) et fabriquer moins d’équipements, fabriquer des équipements plus durables (obsolescence programmée[3]) et repenser l’usage de ces équipements (ce qui est nécessaire).

Il est néanmoins indispensable de penser un numérique acceptable (Derrac, n.d.) qui soit émancipateur et non aliénant, choisi et non subi et soutenable socialement et écologiquement.

Lire à ce propos, le Framabook Libertés numériques. Guide des bonnes pratiques à l’usage des DuMo[4].

Une certaine sobriété

Nous n’avons pas la main sur l’industrie (matériel et logiciels) mais nous sommes leurs clients.

Un développement plus durable passe par l’utilisation de logiciels ouverts et libres[5]. Il intègre l’utilisateur dans une communauté sans attendre le bon vouloir des éditeurs propriétaires des produits et des services.

L’utilisation de logiciels libres réduit la menace de l’obsolescence prévisible par défaut de support sur le moyen terme et surtout l’utilisation de technologies, nécessitant toujours plus de puissance, qui raccourcissent la durée de vie du matériel qui reste lui aux mains de l’industrie (European Union, 2021).

Le choix de logiciels (système d’exploitation Linux et logiciel libres, en général plus légers) permet de conserver plus longtemps un même ordinateur voire de reconditionner un ordinateur plus ancien.

Il existe de nombreuses distributions Linux[6] (libres et gratuites) qui peuvent être installées sur des ordinateurs plus anciens sans pour autant perdre en confort et en efficacité. Ces distributions contiennent par défaut tout ce dont on a besoin (navigateur, traitement de texte, tableur, éditeur, gestionnaire de courriels ou de fichiers…).

Le principe de l’utilisation de Markdown (un format texte) est de se passer de logiciels complexes et énergivores[7].

Markdown permet de revenir à des méthodes qui vont à l’essentiel de manière durable et sans pertes de temps et d’énergie inutiles. Utiliser Markdown, le modèle proposé dans ces pages, c’est aussi revenir aux principes du low-tech (utile, accessible et durable) et de la sobriété numérique[8]. Il permet de se passer de logiciels complexes et énergivores.

Particularités du Web

Le web (on parle bien de “Web” et pas d’“Internet”, inventé 20 ans plus tôt) est lui aussi en grande partie devenu dépendant de quelques grandes entreprises (essentiellement les GAFAM, mais pas que) qui en concentrent l’essentiel et exercent par conséquent un pouvoir démesuré. Il faut désencombrer le web et le rendre plus durable, plus résilient et plus lisible. Il faut arrêter de le surcharger avec des contenus non nécessaires, soumis aux effets de mode et aux aléas des technologies disponibles (Masutti, n.d.).

Avec les développements techniques, les logiciels CMS (Système de gestion de contenus) sont devenus de plus en plus performants mais aussi de plus en plus complexes. Ils sont aussi énergivores, sur les serveurs qui les hébergent et en utilisation du trafic, entre le client (vous) et ces serveurs. Voir par exemple le plaidoyer pour un small web (Balkan, 2020).

La mouvance des sites statiques (Taillandier, 2016) est un début de solution plus durable et plus légère[9]. Ces sites sont le plus souvent construits, et c’est pourquoi cette question est abordée ici, à partir de fichiers Markdown.

Dans la même veine, mais on dépasse ici le propos de l’ouvrage, pour le Web, l’affichage d’images trop lourdes est inutile. Cela va non seulement ralentir l’affichage mais va aussi générer plus de trafic. La taille idéale d’une image doit correspondre à la résolution d’un écran de PC de bureau (en général 1920 x 1080 pixels) avec une résolution de 72 dpi (points par pouce).

 

 

Il est bien évident que chaque lectrice et lecteur de ce livre ne va pas sauver la planète en reprenant le contrôle de son numérique. C’est la conjonction, la conviction, le partage d’expérience, et la collaboration qui vont nous faire avancer vers un futur plus durable.


  1. https://infos.ademe.fr/magazine-avril-2022/faits-et-chiffres/numerique-quel-impact-environnemental/
  2. 10 heures de film en haute définition (HD) correspondent à la totalité des contenus textuels de Wikipédia. Une heure de streaming en HD va générer 28 kg de CO2, soit l’équivalent de 28 km en voiture.
  3. https://www.nobsolete.fr/
  4. https://docs.framasoft.org/fr/manueldumo/
  5. https://www.gnu.org/philosophy/free-sw.html
  6. https://www.sitegeek.fr/article-technologie/7-distributions-linux-legeres-pour-vieux-ordinateurs-en-2022/
  7. Les traitements de texte utilisent, en permanence, des fonctionnalités de mise en forme complexe, d'insertion d'images et d'autres éléments multimédias qui nécessitent un traitement plus intensif des ressources informatiques (Kern et al., 2011).
  8. Voir l'article en ligne "Sobriété numérique (GreenIT)" : https://www.hygiene-numerique.com/dossiers/sobriete-numerique-greenit-vos-leviers-daction-pour-reduire-votre-empreinte-environnementale/.
  9. et donc avec un affichage des pages plus rapide. Durabilité ne rime pas avec lenteur.

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