L’APL, un outil d’encadrement et d’évaluation de la pression agricole pour restaurer la qualité de l’eau du bassin versant d’Arquennes
Kevin Lefébure; Florent Bachelart; Gilles Colinet; et Christophe Vandenberghe
Résumé
En Belgique, le site de prises d’eau d’Arquennes, composé de deux sources à l’émergence et de deux galeries a été exploité par la Société Wallonne des Eaux jusqu’au début des années 2000.
Ces prises d’eau sont réparties dans deux bassins versants topographiques appartenant à un seul bassin hydrogéologique d’une centaine d’hectares situé en milieu agricole (céréales, betterave, maïs, pomme de terre, pois et lin) sur sol limoneux profond.
Le niveau de contamination de l’eau (45 à 70 mg.L-1 de nitrate) a justifié la mise en œuvre en 2005 d’un programme d’actions pour restaurer sa qualité. Le bassin versant a été caractérisé par des analyses de sol et des forages de piézomètres ; le temps de réponse de l’aquifère (sables du Tertiaire) aux modifications de la pression agricole (quantifiée par des mesures d’azote potentiellement lessivable (APL) ou reliquat entrée hiver (REH)), a été estimé par traçage en zone vadose et modélisation.
Depuis 2005, Gembloux Agro-Bio Tech mesure l’APL de chaque parcelle annuellement (en novembre) et suit la concentration en nitrate à l’exutoire des prises d’eau bimestriellement.
Les observations mettent en évidence le lien entre le niveau d’APL moyen (entre 30 et 70 kg N-NO3¯.ha-1) et la qualité de l’eau. Entre 2005 et 2010, les sept exploitations du bassin versant ont été encadrées par la structure de conseil PROTECT’eau ; ce qui a permis de diminuer la pression agricole sur la ressource en eau. La concentration en nitrate de l’ensemble des ouvrages a ainsi montré une nette diminution à partir de 2009.
Depuis 2010, les exploitations agricoles ne sont plus encadrées. Les suivis APL et de la qualité de l’eau ont toutefois été maintenus pour (1) poursuivre l’évaluation de l’APL en tant qu’indicateur environnemental et (2) observer l’évolution de la pression agricole après encadrement.
La pression agricole exercée à l’ouest du bassin versant est restée plus faible que sur la partie est. La concentration en nitrate des prises d’eau situées à l’ouest de ce bassin reste actuellement faible. A l’inverse, la pression agricole exercée sur la partie est du bassin versant a augmenté après la période d’encadrement. Actuellement, la concentration en nitrate dans l’eau présente une tendance haussière dans cette partie du bassin.
Ces résultats montrent qu’à l’échelle du bassin versant, les mesures APL permettent globalement de prédire l’évolution de la concentration en nitrate de nappes aquifères.
Introduction
Depuis 1991, la Directive Nitrates (91/676/CEE) impose aux états membres de :
- désigner des zones vulnérables,
- mettre en œuvre un programme d’actions révisable tous les quatre ans et
- d’évaluer et réviser ce programme d’actions tous les quatre ans.
Depuis 2002, le Programme de Gestion Durable de l’Azote en agriculture (PGDA) fixe notamment des quantités maximales d’engrais de ferme épandables ainsi que les périodes et conditions d’épandage en Wallonie et plus particulièrement dans la zone vulnérable. Il impose également des règles en matière de couverture hivernale et précise les conditions dans lesquelles le contrôle de l’APL doit être réalisé par le Service Public de Wallonie (SPW).
Le site de prises d’eau d’Arquennes est situé dans la zone vulnérable de Wallonie. Le bassin d’alimentation de ces prises d’eau a une superficie d’environ 100 ha, essentiellement à vocation agricole. Ce site a été exploité par la Société Wallonne des Eaux (SWDE) jusqu’au début des années 2000 avant d’être mis à l’arrêt suite à l’importance de la contamination en nitrate (45 à 70 mg NO3ˉ.L–1).
Etant situé en zone vulnérable, les agriculteurs exploitant les parcelles des bassins versant doivent donc respecter le PGDA. Dans le cadre d’une recherche menée entre 2005 et 2010 par Deneufbourg et al., (2010) et Gaule & Bolly, (2010), des piézomètres ont été forés et des essais des traçages ont été réalisés dans la zone vadose et en milieu saturé. Les résultats de ces observations ont permis de délimiter les zones d’alimentation des prises d’eau. En parallèle, les agriculteurs ont été encadrés spécifiquement par PROTECT’eau pour les aider à mettre en oeuvre complètement et efficacement le PGDA. Dans ce cadre, des mesures d’APL ont été réalisées annuellement dans les parcelles constituantes des zones d’alimentation des prises d’eau. Cette expérimentation « grandeur nature » a confirmé l’efficacité du PGDA à réduire la concentration en nitrate dans l’eau souterraine (Deneufbourg et al., 2013).
À la fin de la recherche, l’encadrement des agriculteurs a cessé, le suivi de la mesure de l’APL a, quant à lui, été maintenu. L’objectif de cet article est de présenter la relation entre les mesures de l’APL réalisées dans les zones d’alimentation des prises d’eau et leur influence sur la concentration en nitrate de l’eau souterraine.
Matériel et méthodes
Le site de prises d’eau d’Arquennes a été exploité par la SWDE. Il est notamment composé de deux galeries (G3 et G6). La base de données Calypso gérée par le SPW consigne l’ensemble des analyses d’eau réalisées en Wallonie. La SWDE a réalisé respectivement 144 et 153 mesures de la concentration en nitrate dans les galeries G3 et G6 depuis 1996. En parallèle des mesures réalisées par la SWDE, un suivi plus régulier a été assuré (Deneufbourg et al., 2010 ; Deneufbourg et al., 2013 ; Bah et al., 2016 ; Lefébure et al., 2020b). Depuis 2006, 145 mesures complémentaires ont été réalisées. La concentration moyenne mensuelle a été calculée pour chacune des galeries sur l’ensemble du jeu de données. Finalement, la concentration moyenne annuelle a été calculée sur base des concentrations moyennes mensuelles.
Les bassins versants ont largement été caractérisés par Deneufbourg et al. (2013) et Gaule & Bolly (2010). Brièvement, les deux bassins versants sont séparés l’un de l’autre par l’autoroute « E19 ». Le bassin versant ‘est’ dont l’altitude est comprise entre 124 et 149 m couvre 31 ha. Le bassin versant ‘ouest’ dont l’altitude est comprise entre 124 et 156 m couvre 47 ha.
Les sols constituant les bassins versants sont développés sur le dépôt limoneux quaternaire (LIM). L’épaisseur du dépôt quaternaire est généralement comprise entre 1 et 7 m.
Le substrat pédologique limoneux repose sur des formations aquifères sableuses, de la plus récente à la plus ancienne (figure 1) :
- la Formation de Bruxelles (BXL) et
- la Formation de Mons-en-Pévèle (MEP).
La formation de Carnières (CAR) principalement argileuse constitue un aquiclude de plus de 10 m d’épaisseur limitant les transferts verticaux entre la formation aquifère calcaire sous-jacente et la formation aquifère sableuse.
Le niveau piézométrique varie de 2 mètres à proximité des galeries à une vingtaine de mètres au sommet des plateaux.
Les bassins versants d’Arquennes sont situés à environ 25 km au sud de la station météorologique d’Uccle (IRM, 2021b). Entre 1981 et 2020, la somme annuelle des précipitations moyennes mensuelles est de 852 mm. Ces précipitations sont réparties quasiment uniformément durant l’année. Les précipitations mensuelles moyennes sont comprises entre 51 mm en avril et 81 mm en décembre. Les températures moyennes mensuelles sont comprises entre 3 et 18 °C (figure 2).
Les lignes de flux contribuant de façon prépondérante à l’alimentation des deux galeries G3 et G6 ont été délimitées par Gaule & Bolly (2010). Sur base de celles-ci, les zones d’alimentation des galeries G3 (ZAG3) et G6 (ZAG6) ont été délimitées (figure 3). La galerie G3 est alimentée par une surface d’environ 24 ha et la galerie G6 par une surface d’environ 58 ha. Notons dès à présent que les zones d’alimentation s’étendent au-delà des limites strictes des bassins versants topographiques.
Les ZAG3 et ZAG6 sont couvertes par respectivement 84 et 95 % de surface agricole (SA). Les zones non agricoles correspondent à l’emprise d’exploitations agricoles et de l’autoroute.
Le Système intégré de gestion et de contrôle (SIGeC) est une base de données gérée par le SPW. Elle contient notamment la délimitation des parcelles et leur emblavement (figure 4).
L’APL est défini par l’AGW (2014) comme la quantité d’azote nitrique contenue dans le sol à l’automne, susceptible d’être entraînée hors de la zone racinaire pendant l’hiver. L’APL des sols cultivés est évalué par 15 prélèvements (carottes) de sol. Ces prélèvements sont réalisés jusqu’à 90 cm par couche de 30 cm.
Dans les prairies, l’APL est évalué par 30 prélèvements de sol réalisés jusqu’à 30 cm. L’APL est alors extrapolé à 90 cm par la multiplication de l’APL0-30 cm par 2 (Coméliau et al., 2021).
Depuis 2005, une vingtaine de parcelles situées sur les bassins versants topographiques font l’objet de mesures APL. Certaines parcelles principalement situées dans la ZAG6 ne sont pas systématiquement échantillonnées (figure 4).
Depuis 2008, le contrôle du SPW permet de mesurer l’APL dans plus de 2000 parcelles par an sur l’ensemble de la zone vulnérable wallonne (Lefébure et al., 2021). Deux parcelles non régulièrement suivies ont été contrôlées par le SPW. Une parcelle l’a été en 2007 et 2010, la seconde a été contrôlée entre 2011 et 2013. Ces valeurs complèteront le volume d’observations.
Dans la ZAG3, les parcelles pour lesquelles l’APL n’est pas connu ne représentent qu’environ 6 % de la SA alors que dans la ZAG6, elles couvrent environ 40 % de la SA.
L’APL des parcelles non échantillonnées a été estimé sur base des mesures APL réalisées par le SPW dans la masse d’eau des sables du Bruxelliens entre 2007 et 2020 (Lefébure et al., 2021).
Sur base de l’ensemble de ces données APL, un APL moyen est calculé annuellement en pondérant la valeur APL des parcelles par leur superficie incluse dans la zone d’alimentation des galeries.
Résultats et discussion
Caractérisation de la SAU
Le traitement des données du SIGeC depuis 2005 (tableau 1) met en évidence une gestion différentiée des parcelles situées dans la ZAG3 de celles situées dans la ZAG6. La culture de betterave (B) (Beta vulgaris) occupe en moyenne des parts de superficies équivalentes dans la ZAG3 et ZAG6. Les cultures de céréales (Ce), principalement du froment d’hiver (Triticum aestivum) et dans une moindre mesure de l’escourgeon (Hordeum vulgare), couvrent plus de la moitié de la ZAG3 alors qu’elles ne représentent qu’un tiers de la ZAG6. La culture de chicorées (Chi) (Cichorium intybus) occupe entre 20 et 40 % de la ZAG3 tous les 4 ou 5 ans. Dans la ZAG6, cette spéculation couvre plus souvent une part plus réduite de la surface. Les cultures de maïs (M) (Zea mays) et de pomme de terre (PDT) (Solanum tuberosum) sont fréquemment et largement rencontrées dans la ZAG6. Elles couvrent en revanche une emprise plus faible dans la ZAG3. Du colza (Col) (Brassica napus L.) n’a été cultivé qu’en 2010 et 2012 sur moins de 5 % des zones d’alimentation des galeries. Les cultures de légumineuses (Leg) principalement du pois (Pisum sativum L.) couvrent environ 15 % de la ZAG6 tous les 5 à 6 ans. En 2021, une association de céréale et légumineuse couvrait environ 11 % de la ZAG6. Dans la ZAG3, la culture de légumes couvre ponctuellement des proportions de 40 à 60 % de la ZAG3. Aucune parcelle de la ZAG3 n’est couverte de surface enherbée (P). A l’inverse, entre 5 et 20 % de la ZAG6 est couverte de prairie, de bande enherbée ou de jachère. Une prairie jouxte une exploitation agricole. L’observation des images aériennes met clairement en évidence une diminution de la couverture végétale dans cette prairie, signe d’une charge en bétail importante. La culture de lin (Linum usitatissimum) a couvert des proportions de 10 et 20 % de la ZAG3 en 2010 et 2017. Enfin la culture de fraises (Fragaria) couvre une surface inférieure à 1 % de la ZAG6.
Tableau 1. Distribution relative des cultures dans les zones d’alimentation des galeries G3 et G6 entre 2005 et 2021. B : betterave, Cé : céréale, Chi : chicorée, M : maïs, PDT : pomme de terre, Col : colza, Lég : légumineuse, P : parcelle enherbée, Fr : fraisier.
Mesures APL
En moyenne, l’APL moyen calculé dans la ZAG3 est de 42,6 kg N-NO3ˉ.haˉ1. Les APL moyens calculés en 2006 et 2015 sont supérieurs à 60 kg N-NO3ˉ.haˉ1 (Figure 5).
En 2006, l’APL moyen est de 63 kg N-NO3ˉ.haˉ1 dans la ZAG3. Environ 40 % de la SA de ZAG3 était emblavée de légumes dont l’APL était de 62 kg N-NO3ˉ.haˉ1. La gestion de l’azote sur les parcelles de betterave et de froment était généralement déficiente. Ces parcelles présentaient un APL supérieur à 100 kg N-NO3ˉ haˉ1.
En 2015, l’APL moyen est de 83 kg N-NO3ˉ.haˉ1 dans la ZAG3. Plus de 60 % de la SA de ZAG3 était emblavée de cultures de légume ou de pomme de terre. Leur APL respectif était 107 et 98 kg N‑NO3ˉ.haˉ1.
Les APL moyens calculé pour les années 2007, 2008, 2011, 2013, 2014, 2016, 2018 et 2021 sont inférieurs à 40 kg N-NO3ˉ.haˉ1. Durant ces années, les cultures céréalières occupaient une part importante de la SA dans la ZAG3.
Les conditions météorologiques jouent également un rôle important. En 2019, bien que les cultures céréalières couvraient plus de 80 % de la SA de ZAG3, l’APL moyen était de 73 kg N-NO3ˉ.haˉ1. La sécheresse observée durant l’année 2019 a limité le développement des cultures (et donc le prélèvement de l’azote) et augmenté la minéralisation de la matière organique du sol après les récoltes. Ces conditions météorologiques ont par ailleurs limité le développement des CIPAN (Vandenberghe et al., 2019 ; Lefebure et al., 2020a).
À l’inverse en 2021, la culture de chicorée couvre plus de 40 % de la SA de la ZAG3. Les conditions météorologiques ont été favorables pour les cultures. Les précipitations exceptionnelles de l’été 2021 (IRM, 2021)[1] ont vraisemblablement lixivié une partie du nitrate avant la mesure de l’APL (Vandenberghe et al., 2021). Dans la ZAG6, l’APL est en moyenne de 55 kg N-NO3ˉ.haˉ1.
Des APL moyens inférieurs à 40 kg N‑NO3ˉ.haˉ1 sont observés en 2007, 2008, 2009 et en 2021. L’APL moyen des autres années est systématiquement supérieur à 60 kg N-NO3ˉ.haˉ1. Les cultures emblavées dans la ZAG6 ont un impact environnemental ‘intrinsèque’ plus important que celles emblavées dans la ZAG3. Les cultures de pomme de terre et de maïs (APL plus élevé qu’après une betterave ou une céréale suivie d’une CIPAN) couvrent chacune environ 15 % de la SA de la ZAG6. Les cultures céréalières et betteravières sont également moins représentées.
Les parcelles échantillonnées de la ZAG6 couvrent en moyenne 60 % de la SA de ZAG6. Durant la phase d’encadrement (de 2005 à 2010), l’APL moyen pondéré calculé sur ces parcelles était inférieur (figure 5, trait discontinu) à celui estimé sur l’ensemble de ZAG6 par l’extrapolation, aux parcelles non échantillonnées, des valeurs moyennes observées dans le cadre du contrôle APL (figure 5, trait plein).
L’encadrement proposé par PROTECT’eau (www.protecteau.be) portait notamment sur la gestion des fertilisations minérales et organiques. En considérant que les agriculteurs présents dans la ZAG6 avaient une gestion de l’azote comparable à celle de l’agriculteur ‘moyen’, définit par les valeurs du contrôle APL, on peut donc raisonnablement penser que l’APL moyen pondéré (sur les parcelles encadrées) aurait été plus élevé si l’encadrement n’avait pas eu lieu.
Une fois l’encadrement terminé, les conseils prodigués durant la phase d’encadrement n’ont vraisemblablement plus été suivis par les agriculteurs. Les APL moyens calculés sont généralement supérieurs aux APL moyens estimés à l’ensemble de la ZAG6.
Concentration en nitrate
À la fin des années 1990 et au début des années 2000, les concentrations en nitrate dans les galeries G3 et G6 étaient comprises entre 55 et 75 mg NO3ˉ.L–1 (figure 6). En 2005, au début de l’encadrement des agriculteurs par PROTECT’eau, les concentrations en nitrate dans les galeries G3 et G6 étaient d’environ 60 mg NO3ˉ.L–1. Entre 2005 et 2010, la concentration en nitrate est restée stable dans la galerie G3 et a augmenté dans la galerie G6 jusqu’à environ 70 mg NO3ˉ.L–1. Entre 2010-2011 et 2017-2018, la concentration en nitrate a diminué annuellement d’environ 2,5 mg NO3ˉ.L–1 et d’un 1 mg NO3ˉ.L–1 respectivement dans les galeries G3 et G6. Depuis 2017 et 2021, la concentration ne s’est plus améliorée dans la galerie G3 et elle est repartie à la hausse dans la galerie G6.
Relation entre l’APL et la concentration en nitrate
L’évolution de la concentration en nitrate dans l’eau à l’exutoire des galeries est multifactorielle (Gaule & Bolly, 2010). Elle dépend notamment de :
- la concentration en nitrate sous la zone racinaire des parcelles de la ZAG ;
- la lame drainante ;
- la hauteur piézométrique ;
- la perméabilité de la zone vadose ;
- du temps de transfert horizontal dans la nappe phréatique ;
- des autres sources de contamination.
Ces paramètres ne sont généralement pas connus et souffrent d’une importante variabilité spatiale et temporelle. L’APL est ici utilisé comme indicateur de la pression agricole sur la ressource en eau souterraine indépendamment des conditions hydrogéologiques et météorologiques. Par ailleurs, l’APL est le seul paramètre dépendant des pratiques agricoles mises en œuvre.
Les APL moyens estimés dans la ZAG6 sont presque systématiquement supérieurs à ceux observés dans la ZAG3. La moyenne des APL moyen est d’environ 43 kg N‑NO3ˉ.haˉ1 dans la ZAG3 contre 55 kg N‑NO3ˉ.haˉ1 dans la ZAG6. La pression agricole plus importante dans la ZAG6 conduit à observer des concentrations en nitrate plus importantes dans la galerie G6 que dans la galerie G3 (figure 7). Dans le cadre des ZAG à Arquennes, l’APL est donc un indicateur pertinent de pression agricole sur la ressource en eau.
La relation entre l’APL moyen et la concentration en nitrate au sommet de la nappe phréatique n’est cependant pas parfaite. Les autres paramètres non maitrisés listés ci-dessus interviennent également.
Par exemple, l’APL mesuré dans la ZAG3 en 2015 n’a conduit qu’à une augmentation de la concentration en nitrate inférieure à l mg NO3ˉ.L– 1. Les précipitations mesurées à la station météorologique d’Uccle entre novembre 2015 et avril 2016 ont été qualifiées par l’IRM (2017) [2] d’exceptionnelles. A la station météorologique Agromet (Source : CRA-W / Agromet.be) de Feluy (située à environ 5 km des ZAG), la somme des précipitations était de 510 mm durant cette période alors qu’elle est en moyenne de 380 mm sur la période allant de 2003 à 2020.
L’expérience lysimétrique menée par Vandenberghe et al. (2022) montre par ailleurs qu’une mesure APL élevée, typiquement supérieure à 250 kg N-NO3ˉ.haˉ1 peut conduire à une augmentation soutenue et durable dans le temps de la concentration en nitrate sous la zone racinaire. A l’inverse, des cultures à enracinement profond, comme la betterave, peuvent valoriser le stock de nitrate précédemment lixivié sous la zone racinaire de la plupart des autres cultures.
Ces travaux ont également permis de mettre en évidence des reprises de drainage en dehors des périodes habituelles de lixiviation. Dans de telles situations, l’indicateur APL sous-estime le risque pour la ressource en eau.
La relation entre l’APL et la concentration en nitrate présente également une relation qualitative à l’échelle de territoires plus vastes. Lefébure et al. (2021) ont calculé un coefficient de détermination de 0,90 entre la moyenne des concentrations en nitrate évaluée dans les masses d’eau souterraine « libre » entre 2015 et 2020 et la moyenne des APL moyens pondérés calculée dans ces masses d’eau (figure 8).
Conclusions
Les concentrations en nitrate ont diminué de 10 à 20 mg NO3ˉ.L-1 après l’encadrement des agriculteurs exploitant à proximité des galeries G3 et G6 de la SWDE situées à Arquennes. Cet encadrement des agriculteurs a notamment impliqué l’utilisation de l’APL comme indicateur de la gestion agronomique de l’azote.
Dans ce document, la pertinence de l’APL et plus globalement de l’APL moyen pondéré à l’échelle d’une ZAG ou d’une masse d’eau a été mise en évidence. La connaissance de la chronique de l’APL moyen dans une zone d’alimentation de captage permet donc d’estimer l’impact agricole sur la ressource en eau.
Bien que l’APL soit facilement quantifiable et interprétable, d’autres facteurs plus variables comme la pluviométrie interviennent dans le transfert de contaminants vers l’eau souterraine.
D’autres travaux menés en plein champs montrent par ailleurs que l’APL évolue durant la période antérieure à la période de drainage. Il peut notamment augmenter après par la minéralisation des résidus de culture (tels que des feuilles de betterave) et de la matière organique du sol (Vandenberghe et al., 2021) ou diminuer par le prélèvement du nitrate par les cultures. La mesure de l’APL reste donc une mesure ponctuelle au cours d’un processus dynamique.
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Remerciements
Les travaux qui ont permis la rédaction de cet article ont été soutenus par la Wallonie et la Société Publique de Gestion de l’Eau.