Prélèvement et mesure de REH : retour d’expérience du LDAR, freins et difficultés

Caroline Le Roux; Fiona Obriot; et François Servain

Résumé

Le Laboratoire Départemental d’Analyses et de Recherche de l’Aisne (LDAR) est impliqué depuis de nombreuses années dans la réalisation des analyses de reliquat d’azote minéral. Historiquement, ces analyses sont massivement réalisées en sortie d’hiver (entre janvier et mars) et utilisées par les agriculteurs dans la gestion de la fertilisation azotée de leurs cultures. Les laboratoires tels que le LDAR ont donc mis en place, avec leurs clients et partenaires, des dispositions pour gérer ces campagnes de mesures depuis le prélèvement jusqu’au rendu du conseil de fertilisation.

Depuis une dizaine d’année, le nombre des demandes d’analyses en entrée-hiver ou début drainage a augmenté. Elles sont réalisées dans un cadre règlementaire pour le suivi des teneurs en nitrate sur des bassins d’alimentation de captage ou sur des parcelles situées dans des zones d’actions renforcées, par exemple. Pour faire face à la généralisation des mesures de reliquat en entrée d’hiver (REH), il est indispensable pour tous les acteurs de mettre en place une organisation performante.

Pour organiser les campagnes en entrée-hiver, il est important de bien planifier les opérations et communiquer sur le dispositif avec tous les acteurs de la filière. Le point essentiel est de disposer d’un réseau de préleveurs réactifs afin de réaliser les prélèvements avant le début du drainage sur une période où certains d’entre eux peuvent être mobilisés par d’autres activités saisonnières.

Les dispositions concernant les méthodes de prélèvements sont normalisées (NF X31-115) et identiques à celles qui s’appliquent pour les mesures réalisées en sortie d’hiver. La variabilité intra-parcellaire de ces prélèvements a été évaluée sur un réseau de parcelles et présente des écarts-types faibles (6 kg Nmin.ha-1 en moyenne).

Les échantillons sont transférés au laboratoire dans le respect de la chaîne du froid où ils sont enregistrés dans le système informatique du LDAR. Sur chaque échantillon, une mesure de l’humidité est réalisée (NF ISO 11465) et les teneurs en azote minéral (nitrique et ammoniacal) déterminées par colorimétrie après extraction des formes minérales de l’azote dans une solution de chlorure de potassium (NF ISO 14256-2).

Afin d’assurer la fiabilité des analyses, le LDAR insère dans les séries de nombreux échantillons de contrôle et participe à des campagnes d’inter-comparaisons organisées par le BIPEA. Les écarts-types de mesures réalisées par l’ensemble des laboratoires participants au circuit d’inter-comparaison sur sol frais sont de l’ordre de 9 % de la moyenne des teneurs en azote minéral.

D’un point de vue analytique, la fiabilité de la méthode repose sur la représentativité des échantillons, sur le respect de la chaîne du froid, sur une bonne traçabilité des échantillons et sur le contrôle rigoureux des conditions d’analyse.

Introduction

Depuis la mise en place de la méthode du bilan dans les années 70, l’INRA de Laon et la Station Agronomique de l’Aisne (devenue le LDAR, Laboratoire Départemental d’Analyses et de Recherche de l’Aisne) ont contribué à l’essor des analyses de reliquat en sortie d’hiver (RSH) avec pour objectif d’établir un conseil de fumure azotée pour les agriculteurs. À partir du milieu des années 80, la Station Agronomique puis le LDAR ont assuré l’organisation de campagnes de mesures afin de répondre aux attentes des filières agricoles et permettre une meilleure gestion des apports d’azote (limitation des pertes, optimisation des rendements, de la qualité des produits, gains économiques…).

En marge de ces campagnes, des analyses d’azote minéral ont été réalisées sur d’autres périodes de l’année dans le cadre d’expérimentations ou de suivis sur des réseaux (mesures en cours de culture, post-récolte, entrée-hiver, sortie-hiver). Ces mesures ont permis d’acquérir des références. Une meilleure connaissance de la dynamique de l’azote dans les sols permet une gestion plus efficiente à l’échelle de la rotation afin de limiter les pertes. En effet, les quantités d’azote minéral présentes dans le sol à la récolte ou en entrée-hiver (REH) ne sont pas intégralement utilisables par les cultures marchandes ; elles peuvent être perdues vers le milieu naturel, notamment par lixiviation. La limitation des pertes est un objectif à la fois technico-économique et environnemental.

Organisation actuelle des campagnes de prélèvements

Actuellement, la majeure partie des mesures de reliquat d’azote minéral en France est concentrée sur les deux premiers mois de l’année. L’objectif principal de cette campagne d’analyses est de délivrer un conseil de fumure azotée à partir de la méthode du bilan.

Depuis quelques années, les mesures de REH sur des bassins d’alimentation de captage se sont généralisées. Le LDAR est impliqué dans plusieurs projets tels que le suivi des REH et RSH dans le cadre de la mesure AZUR mise en place par la Chambre d’Agriculture de l’Aisne et ses partenaires (Gaillard, 2022). Depuis la parution (novembre 2018) du 6ème programme d’actions de la Directive Nitrates en Hauts de France, le laboratoire est aussi mis à contribution pour des mesures de REH, rendues obligatoires dans les zones d’actions renforcées (ZAR). Par ailleurs, des suivis sont réalisés pour estimer les risques de perte d’azote durant l’hiver afin, en particulier, d’informer les agriculteurs et de les motiver à mieux gérer leurs intercultures. Le nombre des analyses réalisées en entrée d’hiver est ainsi en croissance lente mais régulière. À titre d’illustration, au LDAR, seules 3 % des analyses de reliquat sont réalisées chaque année entre les mois d’octobre et décembre.

La typologie des clients demandeurs de reliquat post-récolte ou REH est différente de celle des demandeurs de la majeure partie des analyses de RSH. Les principaux demandeurs d’analyses pour des mesures de REH sont les suivants :

  • des Chambres d’agriculture ou collectivités (mairie, syndicats des eaux…) dans le cadre de suivi sur des bassins d’alimentation de captage,
  • des gestionnaires d’eau dans le cadre d’opération de reconquête de la qualité de l’eau,
  • des agriculteurs situés dans des ZAR et qui ont des obligations réglementaires de mesures de REH,
  • des instituts techniques, organismes de recherche ou de conseil en vue d’acquérir des données sur la dynamique de l’azote dans les sols.

Les demandes émanant des collectivités sont régies par le code des marchés publiques. À ce titre, la gestion administrative des dossiers est parfois complexe.

Les laboratoires d’analyses sont un maillon essentiel dans la chaîne. Il est indispensable de mettre en place la logistique appropriée pour gérer les échantillons depuis leur prélèvement jusqu’au rendu des résultats. La figure 1 décrit le schéma de fonctionnement actuellement en place au LDAR.

La phase de préparation en amont de la campagne d’échantillonnage est importante, elle permet de planifier et d’organiser le travail pour tous les acteurs (du prélèvement jusqu’au rendu des résultats et la facturation). Ce temps de préparation est très variable et dépendant de la complexité des demandes et notamment du souhait ou non du client de gérer le prélèvement lui-même.

Pour bien planifier les prélèvements, il est nécessaire dès la fin de l’été de connaitre les parcelles qui doivent en faire l’objet (identification des demandeurs, types de sol, localisation GPS des parcelles). En fonction de la localisation des parcelles, il faut solliciter un préleveur capable d’intervenir sur la zone et s’assurer que la prestation pourra être réalisée dans le temps imparti.

 

Figure 1. Schéma organisationnel actuel de la campagne de mesures REH au LDAR.

Réalisation des prélèvements

Les activités de prélèvement de terre sont très saisonnières. Dans la majeure partie des cas, elles sont réalisées par des prestataires sous-traitants du laboratoire qui peuvent être spécialisés, mais le plus souvent ce sont des exploitations agricoles ou des entreprises de travaux agricoles. Ainsi, la période automnale est très chargée pour ces acteurs déjà occupés par d’autres travaux dans les champs (chantier d’arrachage de betteraves, de récolte de maïs, de semis…).

Dans certaines situations et pour diverses raisons (disponibilité des préleveurs, coûts…), les agriculteurs choisissent de réaliser les prélèvements eux-mêmes sur leurs parcelles.

En entrée d’hiver, les prélèvements sont déclenchés au cas par cas en fonction du remplissage de la réserve utile. À cette fin, Agro-Transfert Ressources et Territoires réalise des modélisations du remplissage de la réserve utile sur les territoires des Hauts de France en fonction du type de sol et de la pluviométrie (Mouny, 2022). Ces prévisions sont mises en ligne sur le site web de la Chambre d’Agriculture des Hauts de France. Celles-ci ne sont pas toujours simples à comprendre pour les agriculteurs de façon isolée et la « fenêtre de tir » peut se révéler assez courte et difficile à anticiper puisqu’elle est dépendante de la pluviométrie.

Pour d’autres secteurs, les dates de prélèvements peuvent être :

  • fixes et précisées dans les cahiers des charges des clients ;
  • déterminées à dire d’experts ou
  • calculées à partir de modèles simplifiés permettant d’estimer le remplissage de la réserve utile.

Dans le cadre des mesures de REH, les règles générales de réalisation des prélèvements destinés au dosage de l’azote minéral s’appliquent conformément à la norme NF X 31-115. Ainsi, ils doivent être réalisés sur une zone homogène représentative de la parcelle, présentant une même texture et un même historique culturale récent, en particulier un même précédent cultural. Il est impératif d’éviter toutes les zones anormales telles que les fourrières, les bordures du champ, les mouillères ainsi que les aires de stockage de produits organiques.

Deux techniques peuvent être utilisées :

  • le prélèvement localisé qui s’effectue sur un cercle de 60 mètres de diamètre au maximum, dans lequel les prélèvements de terre sont effectués. Cette zone doit être la plus représentative possible de la parcelle ou
  • le prélèvement sur une diagonale qui permet un lissage des variations de la parcelle, mais cette technique ne doit pas être utilisée sur l’ensemble d’une parcelle hétérogène. Dans ces conditions elle risque de masquer la réalité du terrain (variabilité de la texture de la terre selon les zones, par exemple).

Un prélèvement effectué dans une zone homogène représentative de la parcelle regroupe au minimum 10 sondages élémentaires. Un échantillon réalisé à partir de 15 sondages élémentaires assure une meilleure représentativité de l’analyse, notamment après un précédent dit riche (pomme de terre, légumineuses, légumes de plein champ…) ou après tout apport de produit organique.

Quand la nature du sol le permet (c’est-à-dire en l’absence d’obstacle au prélèvement), le prélèvement est réalisé par couche de 30 cm sur une profondeur totale de 90 cm. L’intérêt de ces mesures sur plusieurs couches est de connaitre la répartition de l’azote dans le sol. Cette information est indispensable afin de pouvoir estimer les transferts en profondeur et modéliser les pertes potentielles de nitrate.

Le carottage peut être réalisé :

  • mécaniquement avec un matériel de prélèvement généralement installé sur un quad ;
  • manuellement avec une sonde tubulaire de 25 mm de diamètre et de 1,20 m de hauteur ;
  • manuellement avec une tarière hélicoïdale de même hauteur dans les sols caillouteux.

Comme pour le prélèvement des échantillons de RSH, on veille à éviter les retombées de terre dans le trou, ainsi que la pollution des carottes plus profondes et tout mélange de couche, surtout en cas d’utilisation d’une sonde hélicoïdale.

L’échantillon composé de l’ensemble des prélèvements élémentaires est placé dans un sac plastique.  Celui-ci doit être fermé pour éviter toute perte d’humidité. Un sac neuf est utilisé pour éviter les risques de contamination et de préférence transparent pour apprécier le type de sol, estimer sa densité et vérifier l’ordre des couches. Chaque sac contenant l’échantillon est référencé en respectant les demandes et habitudes du laboratoire destinataire des échantillons.

En moyenne, 20 à 30 minutes par parcelle sont nécessaires pour un prélèvement mécanisé, sans compter les temps de déplacement. Dans un souci de rentabilité et pour un fonctionnement optimal, un préleveur peut assurer les prélèvements pour une vingtaine de parcelles au cours d’une journée.

Les échantillons sont conservés à une température inférieure à 4 °C et acheminés vers le laboratoire le jour même ou le lendemain de leur prélèvement. Si ce n’est pas le cas, ils sont congelés dès leur prélèvement et transférés congelés au laboratoire. Enfin, les échantillons ne sont jamais laissés à proximité d’une source de chaleur ou au soleil à l’intérieur d’un véhicule.

Afin de mesurer la variabilité intra-parcellaire des quantités d’azote minéral, des mesures de reliquat ont été réalisées sur un réseau de 30 parcelles situées en Picardie et Champagne-Ardenne sur des types de sol variés. Dans chacune des parcelles, trois zones de prélèvement ont été identifiées et échantillonnées. Les situations étant très variées, les quantités d’azote minéral mesurées dans le sol s’étalaient de 7 à 136 kg N.ha-1 sur 3 horizons de 30 cm, soit une profondeur de 90 cm (figure 2).

 

Figure 2. Dispersion des reliquats mesurés sur un réseau de 30 parcelles.

La variabilité représentée par la figure 3 s’est avérée faible avec un écart-type moyen de l’ordre de 6 kg Nmin.ha-1 et une majorité des mesures (90 %) présentant un écart-type inférieur à 12 kg Nmin.ha-1 pour un maximum de 21 kg Nmin.ha-1.

 

Figure 3. Distribution des écart-types d’un réseau parcellaire de 30 parcelles.

Enregistrement des échantillons et réalisation des analyses

Au laboratoire, la chaine du froid est respectée. Les échantillons sont enregistrés rapidement afin d’assurer une bonne traçabilité et le traitement informatique des données. Pour cela, une identification claire de l’échantillon est nécessaire (propriétaire, nom de parcelles, profondeur des horizons prélevés…) et chaque échantillon est accompagné d’une demande d’analyse.

La mesure du reliquat d’azote consiste à analyser les teneurs en azote minéral (nitrique et ammoniacal) d’échantillons de terre. Les mesures sont réalisées par colorimétrie après extraction des formes minérales de l’azote dans une solution de chlorure de potassium.

En parallèle, une mesure d’humidité est réalisée. Couplée avec la prise en compte de la densité apparente de chaque couche du sol et de la charge en cailloux, elle permet de calculer des quantités d’azote par hectare.

Ces analyses sont effectuées selon les normes en vigueur :

  • NF ISO 11465 pour la détermination de la teneur pondérale en eau : détermination de l’humidité après séchage à 105 °C pendant 24 h
  • NF ISO 14256-2 pour les déterminations du nitrate et de l’ammonium : mise en solution dans du KCl puis dosage par colorimétrie en flux continu. Les résultats des teneurs en nitrate et ammonium sont exprimés en mg.kg-1 de terre sèche.

Les différentes phases analytiques se succèdent rapidement afin d’éviter le réchauffement des échantillons qui serait préjudiciable à la qualité des résultats. La phase de préparation et de sous-échantillonnage est très importante et doit être réalisée avec soin afin de prélever une aliquote représentative de l’échantillon reçu. Pour cela, l’intégralité de l’échantillon reçu est tamisée.

Les laboratoires qui réalisent des analyses de reliquat sont agréés par le ministère de l’Agriculture. Les agréments sont délivrés annuellement aux laboratoires qui participent avec succès au circuit d’inter-comparaison du « Circuit 15 » organisé par le BIPEA (Bureau Interprofessionnel d’Études Analytiques) et qui démontrent ainsi leur aptitude à rendre des résultats satisfaisants. L’étude des résultats rendus par les laboratoires agréés dans le cadre de ce circuit montre une dispersion relativement réduite. La figure 4 représente les écarts-types observés pour chacun des échantillons analysés durant les campagnes 2019/2020 et 2020/2021 (10 échantillons par campagne). Dans la plupart des situations les valeurs des écarts-types sont de l’ordre de 5 % de la moyenne des teneurs en azote minéral (nitrate et ammonium) ce qui atteste d’une bonne reproductibilité inter-laboratoire des analyses.

 

Figure 4. Circuit 15 (sol sec) du BIPEA, campagnes 2019/2020 et 2020/2021, teneurs en azote minéral et écarts-types.

Par ailleurs, dans le cadre du « Circuit 15A », le BIPEA organise deux fois par an des inter-comparaisons sur sol frais (figure 5). Ce circuit présente des écarts-types un peu plus élevés, de l’ordre de 9 % de la moyenne des teneurs en azote minéral. Dans le cadre du circuit 15, les échantillons secs sont stables et n’évoluent pas. Dans le cadre du circuit 15A, malgré les précautions mises en œuvre, les échantillons humides peuvent évoluer (minéralisation des formes organiques de l’azote) durant le transport entre les locaux du BIPEA et les laboratoires qui sont répartis sur le territoire français, voire à l’étranger.

 

Figure 5. Circuit 15A (sol frais) du BIPEA, campagnes 2019/2020, 2020/2021 et 2021/2022, teneurs en azote minéral et écarts-types.

Pour la plupart des laboratoires et pour le LDAR en particulier, l’organisation d’une campagne de mesure en automne ne présente pas de problème particulier. Le matériel et le savoir-faire sont disponibles. Les capacités journalières d’analyse peuvent donc très rapidement être comparables à celles de la campagne de fin d’hiver (RSH).  Un laboratoire tel que le LDAR est équipé pour pouvoir analyser plus de 1500 échantillons par jour.

Rendu des résultats

Les résultats d’analyses sont exprimés en mg.L-1 puis en mg.kg-1 de terre sèche (figure 6) grâce à la mesure de l’humidité réalisée sur les échantillons.

Pour être exploitable, il est nécessaire d’exprimer ces résultats en kg Nmin.ha-1. Pour cette raison, le type de sol est une donnée indispensable. En effet, des densités apparentes ont été définies pour les principaux types de sol que ce soit pour la couche de surface ou les couches plus profondes. La charge en cailloux est aussi intégrée dans le calcul du reliquat, le plus souvent, il s’agit d’une valeur moyenne par défaut affectée au type de sol. Cependant, dans le cas de données précises sur une parcelle, il est possible d’intégrer une charge en cailloux différentiée selon les couches.

Figure 6. Modèle de bulletin de résultats pour les REH.

Conclusions et recommandations pour l’organisation de mesures de REH

Les expériences conduites par différents acteurs sont le reflet d’une prise de conscience de l’intérêt des analyses de reliquat sur la période automnale. Pour faire face à une augmentation de ces pratiques, il est nécessaire de mettre en place une organisation et une logistique adaptées pour établir un service performant et répondre aux attentes des différents acteurs.

Si les mesures de REH devaient se généraliser, le point clé de l’organisation des campagnes serait la définition précoce des dates d’intervention. Elle conditionnera la planification des prélèvements et des analyses et par conséquent les éventuels recrutements de saisonniers qui seront chargés de ces prestations. Des périodes d’intervention définies trop tardivement seront bien sûr un obstacle à des campagnes généralisées et fluides. Pour cela, il faudra disposer d’un outil prédictif pour assurer un délai compatible avec la commande des prélèvements et des analyses, facilement utilisable par les agriculteurs ou les préleveurs, ergonomique et nécessitant des saisies minimales (type de sol, secteur géographique par exemple).

Il est également important, pour l’appropriation des REH, de disposer d’un réseau de préleveurs performants car ils sont le premier contact sur le terrain. Les structures qui assurent le prélèvement des échantillons actuellement devront se prononcer quant à leur capacité à intervenir en automne. Certaines seront sans doute amenées à privilégier d’autres types d’activités. Par opposition, la capacité des laboratoires à traiter des échantillons en automne est sans doute moins impactée par d’autres activités. Les laboratoires pourront assurer des rythmes d’analyses comparables à ceux de la fin d’hiver.

De même, il est indispensable de concevoir collectivement un mode de fonctionnement conforme aux attentes et aux possibilités de l’ensemble des filières. D’un point de vue général, elles sont largement engagées dans le raisonnement de la fertilisation azotée des cultures, que ce soit pour des raisons techniques ou économiques. En particulier, les partenaires des agriculteurs (coopératives agricoles, CETA, négoces, industriels…) contribuent largement à l’organisation des campagnes de mesure des RSH. Ils sont aussi engagés dans les travaux liés à une pratique plus généralisée des REH. Mais on peut s’interroger sur leur intérêt et leur capacité à s’impliquer dans cette démarche à une période de l’année qui, pour certains d’entre eux, est déjà très remplie. Par ailleurs, les enjeux environnementaux et sociétaux sont réels. Il faudra solliciter d’autres intervenants, collectivités, syndicats des eaux, chambres d’agriculture, conseillers… qui pourront prendre en charge une part de la structuration, l’organisation et l’accompagnement des agriculteurs.

À l’échelle des exploitations, la généralisation de ces mesures reste très dépendante de la perception qu’en ont les agriculteurs. Les raisonnements associés se justifient surtout à moyen terme dans le cadre d’une adaptation des pratiques. À plus court terme, le rapport bénéfice/coût peut sembler défavorable. Il apparait indispensable de mettre en place une communication auprès des agriculteurs et de leurs conseillers. La mesure des REH devrait être clairement identifiée par les utilisateurs comme un levier efficace contribuant à des choix techniques adaptés afin de limiter les pertes d’azote vers les milieux naturels et pouvant, à moyen terme, réduire l’usage des engrais minéraux. L’évolution actuelle du coût des intrants, si elle perdure, pourrait faire évoluer positivement la position des agriculteurs. Ces analyses pourraient aussi être mieux contextualisées par comparaison avec des références bien établies et opérationnelles.

Enfin, il est impératif que le rendu de l’analyse soit associé à un jugement sur la valeur du reliquat mesuré. À cette fin, il faut prendre en compte la multiplicité des situations et collecter les données associées à l’historique parcellaire. Elles comprendront les informations sur le précédent cultural, l’interculture et les apports de produits résiduaires organiques. Elles devront aussi tenir compte d’éventuels accidents culturaux (sur les cultures principales et les cultures intermédiaires).

Actuellement, les résultats des REH sont peu et mal valorisés. Pour assurer une bonne compréhension de cette nouvelle pratique, il faudra prévoir en amont de la restitution des résultats aux agriculteurs des campagnes d’information. Elles pourront prendre la forme d’articles didactiques dans la presse spécialisée, voire de réunions d’information. Plus ponctuellement, il faudra aussi prévoir d’assurer le « service après-vente » des REH. Une question reste en suspens : qui prendra en charge cet accompagnement, cette communication et comment toucher un maximum d’agriculteurs ?

Pour interpréter ces données, on peut sans doute imaginer deux types de solutions :

  • la comparaison à des moyennes établies chaque année pour tenir compte des particularités climatiques ou
  • le recours à la modélisation.

L’établissement et l’utilisation des synthèses annuelles départementales de RSH montrent de nombreuses limites. Trop de situations sont dites « orphelines », c’est-à-dire qu’elles ne sont pas suffisamment représentées pour permettre des statistiques. Par ailleurs, les moyennes ne permettent pas de prendre en compte la variabilité des résultats, en particulier en cas d’accident cultural. Ces deux remarques s’appliquent aussi aux REH. La conception de modèles et d’outils d’interprétation informatisés nécessite d’accumuler de nombreuses données dans des situations climatiques variées. Ces travaux seront dépendants des moyens humains et financiers qui y seront apportés. Ils pourraient se concevoir dans le cadre de projets collaboratifs et mobiliser des données existantes afin de limiter les délais de conception. Par opposition à ces deux options, on peut aussi imaginer de comparer les mesures à quelques seuils forfaitaires considérés comme acceptables et plus ou moins pondérés en fonction des données climatiques de l’année. Cette dernière solution présente le mérite d’être facilement mise en œuvre mais elle conduit à un moindre intérêt technique de la mesure. Quelle que soit la solution retenue, les laboratoires devront concevoir des outils de gestion des données et de restitution adaptés.

Bibliographie

Gaillard J., 2022.  Retour d’expérience sur la mise en œuvre d’une action collective de gestion de l’azote s’appuyant sur la mesure du REH dans les BAC de l’Aisne : la méthode AZUR.  In : Vandenberghe C. & Delesalle M., eds.  Retours d’expérience autour du REH / RDD / APL.  Gembloux, Belgique : Presses agronomiques de Gembloux.

Mouny J-C., 2022. Détermination d’une date de début de drainage avec un outil de modélisation  : exemple de Syst’N dans les Hauts-de-France.  In : Vandenberghe C. & Delesalle M., eds.  Retours d’expérience autour du REH / RDD / APL.  Gembloux, Belgique : Presses agronomiques de Gembloux.


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