Retour sur sept années de suivi du REH dans la région de Compiègne

Vincent Perrin

Résumé

Dans la région de Compiègne (Oise, Hauts de France), 240 exploitations agricoles sont réparties sur deux bassins d’alimentation de captage (BAC) de 24 584 ha de SAU (sur 36 323 ha) qui alimentent environ 60 000 personnes en eau potable.

Le contexte pédologique local présente des sols limoneux (60 %), de craie du Sénonien affleurante avec des zones de failles (25 %) et quelques formations tertiaires. La production agricole est composée pour moitié de céréales et un sixième de cultures industrielles (pomme de terre ou betterave). Il y a très peu d’élevage et a fortiori, peu de prairies.

Un suivi des reliquats entrée hiver (REH) a été intégré à un plan d’actions en 2012 et mis en œuvre concrètement à partir de 2014 avec le soutien d’un bureau d’étude pour l’animation. Entre 120 et 171 parcelles sont suivies annuellement pour une centaine d’agriculteurs.

Dans un premier temps, les REH ont été comparés à la moyenne sur l’AAC, par type de culture. Toutefois, hormis observer que les pratiques de fertilisation et la météo (“ exceptionnelle ” tous les ans) étaient les facteurs qui avaient le plus d’impact sur les REH, il y avait peu de plus-value.

En 2018, une collaboration avec l’INRAE a permis une valorisation supplémentaire des REH par l’estimation (modèle de BURNS) de la lixiviation du nitrate sur base de la pluviométrie, de l’évapotranspiration, du coefficient de couverture des sols et du type de sol (réserve utile – RU). Cette valorisation a permis de déterminer une valeur guide de REH (objectif pour l’ensemble de l’AAC) et un REH objectif par catégorie de RU en fonction de sa représentativité sur les AAC.

Plus récemment, un second travail avec l’INRAE articulé autour des “ couples ” de cultures précédent-suivant (dynamique des REH en fonction des couples) a mis en évidence quelques cultures/pratiques à risque, communiquées aux  agriculteurs pour qu’ils s’approprient ces constats (observés dans leurs parcelles) et les valorisent afin de diminuer leur empreinte sur la qualité de l’eau.

Introduction

Les captages de Baugy et l’Hospice constituent les principales ressources en eau de l’Agglomération de la Région de Compiègne (ARC, 22 communes, 85.000 habitants, dans l’Oise, Hauts de France). Chaque captage est constitué de deux puits qui ont prélevé 3 900 000 m³ d’eau en 2021 (répartis à part égale entre Baugy et l’Hospice). Ces captages sont stratégiques pour l’alimentation de la population en eau potable puisqu’il n’en existe pas d’autres aussi productifs sur le territoire (forêt domaniale classée zone Natura 2000, rivière Oise soumise à des risques de pollutions chimiques industrielles en amont hydraulique de Compiègne).

Ces captages subissent depuis plus de 25 ans des pollutions diffuses d’origine agricole (nitrate et pesticides). Des concentrations en nitrate de l’ordre de 40-48 mg.L-1 sont relevées au captage de Baugy, en augmentation de 20 unités au cours des trente dernières années (figure 1) et aux alentours de 25 mg.L-1 au captage de l’Hospice.

Figure 1. Évolution de la concentration en nitrate aux captages de Baugy (F1 & F2).

Pour ce captage, les puits étant situés en rive gauche de l’Oise, la concentration est influencée par la proximité de la rivière (dont la concentration en nitrate est de l’ordre de 22 mg.L-1) qui joue un rôle de barrage/dilution (un piézomètre en rive droite présente les mêmes concentrations en nitrate que les puits de Baugy) ; le captage de l’Hospice est alimenté pour 60 % par les alluvions de l’Oise (SAFEGE, 2009). La forêt domaniale de Compiègne joue également un rôle de « dilution » pour les contaminations d’origine agricole observées au captage de l’Hospice puisqu’elle occupe 49 % de la superficie de ce BAC (figure 2).

 

Figure 2. Carte des BAC de Baugy (F1 & F2) et de l’Hospice (F1 & F2).

Dans le cadre de sa politique environnementale, l’État a demandé un classement des captages de l’ARC au titre l’article 21 de la loi sur l’eau et des milieux aquatiques du 30 décembre 2006. Ce classement impose la réalisation d’une étude du BAC et la définition de zones vulnérables intrinsèques à ce territoire. L’ARC a réalisé cette étude de BAC en 2009.

Les deux BAC couvrent 36.323 ha dont 24.584 ha de SAU (soit 68 % des BAC) pour 200 exploitations agricoles mais avec des disparités sur chaque BAC (tableau 1).

Tableau 1. Occupation du sol dans les BAC des captages de Baugy et de l’Hospice (source : Corine Land Cover, 2006)
Occupation du sol Captages de Baugy Captages de l’Hospice
Zones agricoles

Forêt et zones semi-naturelles

Surfaces artificialisées

Masses d’eau

87,4 %

6,4 %

6,2 %

 

33,6 %

48,5 %

16,8 %

1,1 %

 

Le contexte pédologique local présente des sols limoneux (60 %), de craie du Sénonien affleurante avec des zones de failles (25 %) et quelques formations tertiaires.

La production agricole est composée (figure 3) pour moitié de céréales et un sixième de cultures industrielles telles que la pomme de terre (Solanum tuberosum) ou la betterave (Beta vulgaris). Il y très peu d’élevage et a fortiori, peu de prairies. Le paysage du BAC du captage de Baugy est également peu boisé et principalement constitué « d’open field » avec très peu de haies.

Étant donné la surface importante des BAC, 36.323 ha et la position excentrée de la ville de Compiègne, la problématique de qualité d’eau peut ne pas intéresser certains exploitants agricoles plus éloignés puisque 30 km séparent la ville de Compiègne du point le plus éloigné sur le BAC de Baugy (figure 2).

En 2012, des arrêtés de délimitation et de plans d’actions ont été pris pour ces BAC. Depuis lors, l’ARC et ses partenaires mènent des actions pour entre autres, amener les agriculteurs à améliorer leurs pratiques en matière d’usage des produits phytosanitaires et de fertilisants azotés.

 

Figure 3. Assolement dans les BAC de Baugy et l’Hospice (Registre Parcellaire Graphique 2019).

Premier contrat azote

Dans ce cadre, un premier « contrat azote » a été rédigé avec l’Agence de l’Eau Seine Normandie (AESN) et la Chambre d’Agriculture de l’Oise pour sensibiliser et accompagner des agriculteurs volontaires dans ce type d’actions.

Les arrêtés « plan d’actions » des BAC fixent un objectif de 66 % des agriculteurs des BAC engagés pour au moins une parcelle dans ce contrat azote. Ils visent également à mieux maitriser la fertilisation azotée et à maximiser les couverts d’interculture (100 % de la SAU couverte) pour avoir une eau de qualité aux captages. Le contrat azote consiste en la réalisation d’une analyse de sol initial (pour définir sa texture), puis d’un Reliquat Entrée Hiver (REH[1])et d’un Reliquat Sortie Hiver (RSH) lié à un conseil de fertilisation afin d’améliorer les pratiques et optimiser les apports.

Les parcelles suivies sont principalement des sols profonds type limons argileux ou limon moyens. Quelques parcelles présentent une structure plus sableuse. Les analyses ont également permis de connaitre le taux de matières organiques du sol (la profondeur et la charge caillouteuse sont renseignées par l’agriculteur).

Ce premier contrat, d’une durée de trois ans (de 2015 à 2017), impliquait la signature d’un contrat papier par l’agriculteur pour le suivi d’une parcelle (REH, RSH et conseil de fertilisation annuel) et par la collectivité pour le suivi de l’animation (rédaction de rapports de synthèses et rendez-vous individuel annuel pour présenter les résultats). Le contrat était complété d’une annexe d’une quinzaine de pages relatives aux obligations réglementaires (Programme d’actions régional issu de la Directive Nitrate, obligation de fractionnement des apports…) qui ‘alourdissait’ le contrat en lui-même et qui a pu rebuter certains agriculteurs à s’engager dans la démarche.

L’ARC, avec le soutien financier de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, a confié l’animation du contrat azote au bureau d’études SEDE ENVIRONNEMENT. Pour les missions de terrain et le suivi des dossiers, SEDE n’a déployé qu’une seule personne, un agronome et responsable ‘épandages’ au sein de sa structure. Le travail du bureau d’études était de :

  1. contractualiser (via des rencontres individuelles sur chaque ferme) avec un maximum d’agriculteurs ;
  2. réaliser l’analyse des données, notamment les REH ;
  3. tirer des conclusions à l’échelle des BAC, en fonction du type de culture et de tout paramètre permettant d’orienter des conclusions ou des pistes d’amélioration pour les agriculteurs.

En parallèle, la mesure du RSH réalisée sur la même parcelle « REH » devait permettre aux agriculteurs d’adapter leurs apports azotés en fonction de la valeur de RSH et des conseils en fertilisation apportés par le laboratoire, conseils le plus souvent respectés … mais pas toujours : « je connais ma parcelle, je sais qu’elle peut faire des très bons rendements si je mets un peu plus d’azote ».

Le rendu des résultats des analyses de reliquats aux agriculteurs était réalisé par le bureau d’études lors d’entretiens annuels individuels.

En 2015, une réunion d’information collective pour restituer les résultats des REH a été organisée mais peu d’agriculteurs y ont participé ; ce qui est généralement le cas quel que soit le sujet proposé (agriculture biologique, MAEC, contrat azote). Ce format a donc été abandonné.

En parallèle, SEDE ENVIRONNEMENT a également réalisé une synthèse annuelle reprenant les principaux enseignements des résultats d’analyse de sol. Un format synthétique de quatre pages a été transmis chaque année aux agriculteurs dans le courant du mois de juin.

Au cours de ces trois années, les échantillons de sol ont été prélevés par un prestataire indépendant basé dans la Somme (80) et analysés par le laboratoire GALYS.

Ces trois premières années de contrat ont permis d’engager dans la démarche 99 agriculteurs parmi les 240 agriculteurs possédant au moins une parcelle sur les BAC, pour 121 parcelles (1303 ha suivis). Les parcelles suivies ont été proposées par les agriculteurs pour diverses motivations (bénéficier d’un RSH et du conseil fertilisation associé gratuitement, suivre une parcelle peu productive ou en zone sensible…). Le contrat a permis de les sensibiliser à la problématique de pollution des ressources en eau par le nitrate et d’apporter un conseil de fertilisation adapté au potentiel de rendement défini par l’exploitant (et validé par le conseil sur la base de la moyenne de rendement des trois dernières années).

Les synthèses réalisées permettent de suivre l’évolution des REH (tableau 2) chaque année en tenant compte des cultures, du type de sol et de la fertilisation réalisée.

Entre 2015 à 2017, aucune diminution de la pression nitrate n’a été observée en début d’hiver : la moyenne des REH pour les parcelles suivies a évolué de 85 kg Nmin.ha-1 en 2015 à 105 kg Nmin.ha-1 en 2017. Les éléments explicatifs avancés par le bureau d’études étaient les suivants : trois années météorologiques exceptionnelles conduisant à de faibles rendements et donc un moindre prélèvement d’azote, REH élevés sur les parcelles de légumineuses et de colza. Ces constats ont été transmis aux agriculteurs, ce qui a permis à l’ARC de créer du lien avec eux et de se familiariser avec la thématique « reliquats ».

L’appui d’un bureau d’étude a également permis de faire vivre la thématique qualité de l’eau en particulier sur le nitrate.

Tableau 2. REH (kg Nmin.ha-1) entre 2014 et 2020 en fonction du précédent.

Second contrat azote

En 2017, l’ARC a souhaité renforcer l’animation captage avec le recrutement d’un animateur à temps plein dont les missions consistent à mettre en place et suivre des actions visant à préserver la ressource en eau, dont le contrat azote, et à mobiliser plus d’exploitants agricoles sur ce contrat en vue d’atteindre les 66 % d’agriculteurs engagés.

Dans le respect d’une procédure de marché public, le bureau d’études GEONORD a été retenu pour accompagner l’animateur dans ses missions. Il s’est appuyé, après un appel d’offres, sur le même prestataire qui réalisait les prélèvements lors du 1er contrat azote et sur le laboratoire AUREA pour les analyses de sol.

Comme lors du premier contrat, une analyse de sol préalable a été réalisée afin de caractériser le sol, notamment pour les plans de fumures prévisionnels.

GEONORD a déployé une équipe de quatre personnes pour rencontrer individuellement le plus grand nombre possible d’agriculteurs (163) et les inciter à s’engager dans ce second contrat azote. Ainsi, 88 des 99 agriculteurs précédemment engagés ont poursuivis l’action. Onze agriculteurs abandonnant pour diverses raisons : cessation d’activité, manque d’intérêt pour les reliquats notamment.

GEONORD a pu contractualiser avec 39 nouveaux agriculteurs pour un total de 171 parcelles, soit 1 837 ha suivis (7,6 % de la SAU). Pour les nouvelles parcelles engagées, le bureau d’étude a incité les agriculteurs à choisir des parcelles dans les zones de priorité 1 et 2 des BAC qui sont potentiellement les plus sensibles à la lixiviation du nitrate (figure 4).

 

Figure 4. Localisation des parcelles sous contrat azote.

Dès 2018, des discussions avec le chargé de mission de GEONORD et une réunion organisée par l’INRAE sur la gestion dynamique des BAC (qui a rassemblé de nombreux animateurs du bassin Seine Normandie) ont orienté le contrat azote vers la fixation d’une valeur guide de REH à l’échelle du BAC via le modèle de BURNS (1976). L’objectif étant de fixer une valeur « charnière » de REH synonyme d’une concentration en nitrate de 37,5 mg.L-1 aux captages (correspondant à 75 % du seuil de potabilité de 50 mg.L-1, seuil de déclenchement des actions de prévention). L’AESN a souhaité que cette valeur « charnière » soit diffusée aux agriculteurs dans le cadre du financement du contrat azote. Ainsi, sur base des données météorologiques (pluviométrie et évapotranspiration) des dix dernières années, des types de sols et de la couverture des sols, il a pu être déterminé, en calculant la lame drainante (du 1er novembre au 31 mars) par année et par type de sol, une valeur guide « charnière » de REH de 50 kg Nmin.ha-1 à l’échelle des deux BAC, quelle que soit la culture en place ou le type de sol. D’emblée, cet objectif se situe bien en deçà des valeurs moyennes constatées sur les BAC depuis le début du suivi (tableau 1).

La question de la diffusion de cette valeur guide de REH aux exploitants agricoles a donc été soulevée, au vue de l’historique parfois conflictuel avec la profession agricole depuis le début des années 2010 sur le territoire (en raison des volontés d’aménagement des collectivités : SCOT, PLU… et également de conflits sur la répartition des usages de l’eau entre les différents usagers, irrigants et collectivités sur un territoire soumis à des tensions quantitatives sur la ressource en eau dans une Zone de Répartition des Eaux).

Dans un premier temps, la collectivité a fait le choix de ne pas diffuser cette valeur guide. Toutefois, il semblait compliqué de dialoguer avec les agriculteurs sur la thématique azote si on ne fixait pas d’objectif. Certes, il y avait un objectif d’atteindre 37,5 mg.L-1 de nitrate aux captages, mais comment transmettre cette ambition aux agriculteurs qui prétendent avoir des pratiques plus vertueuses que par le passé ?

Aussi, finalement, la décision a été prise de communiquer cet objectif d’un REH moyen de 50 kg Nmin.ha-1 pour l’ensemble des parcelles du BAC mais également de sensibiliser encore plus les agriculteurs à la thématique. Cette valeur moyenne était à nuancer, à la parcelle, en fonction du précédent cultural.

En parallèle et pour compléter le travail de sensibilisation initié par l’ARC au cours de la période du premier contrat, GEONORD a réalisé des entretiens individuels avec les exploitants afin de collecter les informations sur leurs pratiques de fertilisation, rendements et gestion de l’interculture. Ces informations ont permis la rédaction de synthèses par parcelle (sous forme de fiches remises à chaque agriculteur impliqué dans le contrat) avec les résultats des mesures de reliquats azotés et une estimation de l’azote nitrique lixivié (exemple anonymisé en figure 5).

Proposée par GEONORD, cette fiche présente les caractéristiques de la parcelle, son historique cultural, la fertilisation appliquée, le rendement obtenu, l’éventuelle interculture mise en place et les résultats des mesures REH et RSH. Elle propose également à l’exploitant des indicateurs : sensibilité du sol à la lixiviation, lame d’eau drainante et capacité d’absorption automnale par le couvert ou culture en place. Cette fiche parcellaire est accompagnée d’une notice explicative. Le but est d’apporter un regard a posteriori sur la stratégie mise en œuvre, en tenant compte des caractéristiques de la parcelle et en proposant une estimation des pertes azotées par lixiviation évaluée avec le modèle de Burns (1976). GEONORD s’est également attelé à illustrer l’impact du type de sol et du précédent cultural sur la valeur de REH mesurée. En effet, il y a une forte variabilité de la réserve utile du sol (entre 50 et 220 mm) dans l’échantillon de parcelles suivies et certaines cultures laissent un REH important quand d’autres laissent peu d’azote après récolte (tableau 2).

Figure 5. Exemple de synthèse parcellaire.

Fin du contrat azote

Le contrat azote en partenariat avec l’AESN a pris fin en 2020 avec la réalisation d’une dernière campagne de mesure REH à l’automne 2020.

L’AESN n’a pas souhaité poursuivre le financement des campagnes de mesure de reliquat sur le territoire au-delà des six années d’animation sur ce thème. En effet, à l’échelle du territoire de l’ARC et des BAC de Baugy et l’Hospice, le contrat azote est couteux (50 000 € par an, subventionné à 80 % par l’AESN) et les résultats sur la qualité de l’eau aux captages non visibles (les temps de transfert dans les sols et la nappe pouvant atteindre 60 ans). L’AESN considère néanmoins que ce programme a permis aux agriculteurs de s’intéresser à la problématique et est donc plutôt perçu comme une action de communication. L’AESN souhaite donc orienter l’action et les financements vers d’autres territoires.

Toutefois, au vu de l’énergie déployée pour contractualiser avec les agriculteurs des BAC, de l’argent investi dans cette thématique et des avancées dans le traitement des données, l’ARC a pris la décision de poursuivre les mesures de REH avec les agriculteurs précédemment engagés afin de maintenir le lien entre ces derniers et la collectivité pour la reconquête de la qualité de l’eau. Pour des raisons de coût, les mesures de RSH ont été arrêtées. En effet, ces dernières n’étaient pas directement « valorisées » pour la protection de l’eau mais utilisées par les agriculteurs pour la réalisation du Plan de Fumure Prévisionnel, une obligation du PAN[2].

Des contacts ont donc été repris avec les 127 agriculteurs précédemment engagés afin de savoir s’ils étaient toujours volontaires pour poursuivre la démarche de suivi des REH sur la ou les mêmes parcelles. Sur les 127 agriculteurs, trois n’ont pas souhaité poursuivre le suivi par manque d’intérêt.

En 2021 (suite à de nombreux reports depuis début 2020 en raison des contraintes sanitaires liées à l’épidémie de COVID), l’animateur captages a réalisé une présentation collective aux agriculteurs des résultats des campagnes de mesure des reliquats effectuées depuis plusieurs années. Cette synthèse a été enrichie d’un travail[3] réalisé par l’INRAE afin de la redynamiser pour atteindre l’objectif (37,5 mg.L-1) de qualité d’eau aux captages.

La chargée de missions de l’INRAE a également réalisé un classement des parcelles suivies dans le cadre du contrat azote afin de déterminer si, à l’échelle de leur rotation, les parcelles suivies engendrent une concentration en nitrate dans l’eau de percolation conforme à l’objectif de 37,5 mg.L-1. Ce travail a permis de déterminer que même si ponctuellement des parcelles atteignent cet objectif, aucune des 171 parcelles suivies n’est en situation de réussite à l’échelle de la rotation ; en cause, des problèmes de sur-fertilisation, de gestion des rotations culturales et de non réussite des couverts pièges à nitrate.

Ce diagnostic a ensuite permis de classer les parcelles en fonction de « l’azote en jeu moyen » (à l’échelle de la rotation) en l’extrapolant à tous les champs du BAC :

  • « Azote en jeu moyen » faible pour 54 % des parcelles de l’AAC. La réussite des cultures pièges à nitrate suffirait à atteindre le REH objectif.
  • « Azote en jeu moyen » élevé et irrégulier pour 5 % des parcelles. La sur-fertilisation et des cultures « riches en azote » fréquentes dans la rotation sont la cause de l’excès d’azote. La réussite du piégeage apparait indispensable mais insuffisante pour résorber l’azote en excès. Il est nécessaire de limiter la fréquence et la cause de l’excès d’azote (sur-fertilisation de printemps, apport de matière organique en été et à l’automne, légumineuses non compensées par des cultures exigeantes en azote dans la rotation ou par des couverts).
  • « Azote en jeu moyen » élevé et régulier pour 6 % des surfaces. L’activité de minéralisation importante du sol nécessite d’ajuster les pratiques agricoles. Pour ces champs, il est préférable de limiter fortement la fertilisation et les cultures riches en azote. Les cultures pièges à nitrate sont indispensables à l’automne pour absorber l’excès d’azote issu de la minéralisation des matières organiques.
  • Pour les 35 % des surfaces restantes, il n’a pas été possible de les classer parce que les rotations ne le permettaient pas.

Concrètement, la réunion a eu lieu fin septembre 2021 et seuls deux exploitants agricoles se sont déplacés (en raison du démarrage de la campagne d’arrachage des pommes de terre). Ils ont semblé très réceptifs à la méthodologie et aux résultats présentés, notamment sur la valeur de REH objectif de 50 kg N-NO3ˉ.ha-1 à l’échelle de la rotation ; leurs parcelles ont été prises comme exemple dans la présentation et la discussion. Un compte-rendu de cette réunion a été envoyé à l’ensemble des agriculteurs suivis, document qui a suscité quelques retours intéressés.

Il semble important d’organiser à nouveau des réunions collectives afin de créer de l’émulation autour de la thématique. Toutefois, étant donné la taille des BAC (24 000 ha), il sera plus judicieux de réaliser plusieurs réunions collectives dans différents lieux répartis géographiquement sur les BAC afin de faire venir le plus grand nombre.

En effet, la participation en février 2021, de l’animateur captage à une réunion « reliquats » organisée par l’animatrice du BAC de REIMS-FLECHAMBAUT à destination des 20 agriculteurs de son BAC, a montré qu’ils sont curieux de l’interprétation faite par l’animatrice et de la différence de résultats entre exploitations. La réflexion collective permet d’avancer et de se poser des questions.

Reste à trouver le bon format et le bon moment pour parler au plus grand nombre.

Synthèse et perspectives

Les sept années (2014-2020) de suivi REH sur les BAC de Baugy et l’Hospice n’ont pas généré, vu le temps de percolation en zone vadose, de résultats concrets sur l’amélioration de la qualité de l’eau.

Les pratiques des agriculteurs en termes de fertilisation ne semblent pas avoir évolué au cours de ces sept années. La recherche de l’optimum technique (maximiser les rendements) restant la norme au détriment de l’optimum technico-économique. Pour les CIPAN, leur importance est mieux comprise et leur implantation mieux maitrisée (variété, mélanges d’espèces) mais leur ‘réussite’ reste un facteur clé à optimiser.

Ce suivi REH a permis d’évaluer la pression nitrate et a soulevé beaucoup de questionnements sur la façon d’améliorer les choses.

En outre, la connaissance du reliquat azoté en début de période de drainage s’avère être un bon outil pour établir et maintenir un lien avec les exploitants agricoles sur la protection de la ressource en eau (amélioration des pratiques agricoles pour atteindre un objectif de qualité).

Toutefois, il est difficile de mobiliser un aussi grand nombre d’exploitants (environ 200) sur un BAC aussi grand (24 000 ha). L’animation faite par un bureau d’étude est une action coûteuse (pour la collectivité et l’AESN) car très chronophage mais nécessaire.

La fixation auprès des agriculteurs d’un objectif de REH visant à améliorer la qualité de l’eau est essentielle pour « faire bouger les lignes ». Ces réflexions doivent également intégrer une logique économique pour les exploitants agricoles (l’azote lixivié est aussi une perte économique pour leur exploitation).

À l’avenir, l’ARC envisage d’associer des opérateurs économiques agricoles à la thématique. En effet, ces acteurs (Chambre d’Agriculture, Coopératives agricoles, papèteries, sucreries…) font également réaliser des mesures de reliquat azoté. Il sera intéressant de pouvoir partager ces données au sein d’une base de données commune afin d’enrichir les connaissances du territoire. De plus, impliquer les acteurs économiques permettra également de leur montrer qu’ils peuvent jouer un rôle dans la prévention de la lixiviation du nitrate (par exemple, la sensibilisation des coopératives agricoles pour une réussite plus régulière des semis de CIPAN).

Bibliographie

Burns I.G., 1976. Equations to predict the leaching of nitrate uniformly incorporated to a known depth or uniformly distributed throughout a soil profile. Journal of Agricultural Science, 86, 305-313.

SAFEGE, 2009. Etude des bassins d’alimentation des captages de Baugy et de l’Hospice.


  1. Exprimé en kg Nmin.ha-1 (Nmin = N-NO3ˉ + N-NH4+)
  2. Programme d’Actions National nitrates
  3. projet QuEau Vadis qui consiste à analyser l’animation en place (plan d’actions, objectifs, acteurs, moyens déployés).

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