2. Les facteurs influençant le bilinguisme précoce

Dans la réalité quotidienne, la vie d’un enfant bilingue et celle d’un enfant monolingue ne sont pas fondamentalement différentes. Ils sont globalement éveillés le même nombre d’heures sur une journée, reçoivent la même attention, les mêmes soins de la part des parents et la même quantité d’exposition et de stimulations langagières. La différence majeure réside dans le fait que, dans une éducation bilingue, les interactions langagières sont réparties de manière variable sur deux langues. Cette réalité renvoie à deux notions générales importantes en matière de développement langagier : celles de quantité et de qualité des interactions langagières. Dans la littérature scientifique, les termes « expérience », « exposition » et « input » sont souvent utilisés indifféremment pour faire référence à ces interactions ce qui, pour Carroll (2017), est inadéquat ; ces termes recouvrant, pour elle, des réalités théoriques différentes. Elle considère notamment que « exposition » renvoie à une entité observable et mesurable dans un contexte donné (par exemple : le nombre de fois qu’un enfant est exposé à un stimulus donné) alors que le terme « input » renvoie à une construction particulière produite dans un contexte particulier et dans un but donné (par exemple : une construction syntaxique ou la production d’un mot spécifique). Ces distinctions terminologiques étant assez subtiles, nous adopterons, dans la suite de ce chapitre, une position assez souple dans laquelle nous utiliserons préférentiellement le terme français « exposition » pour faire référence aux stimulations langagières proposées de manière générale à l’enfant.

À partir de là, une question se pose : est-ce la quantité d’expositions langagières ou bien leur qualité qui détermine la maîtrise future des langues ? Question à laquelle il n’est pas facile de répondre tant les choses sont imbriquées les unes dans les autres et indissociables. Dès lors, traiter les notions de qualité et de quantité de manière séparée est assez artificiel et peu satisfaisant. Dans la suite de ce chapitre, nous décrirons donc de manière très générale ce qu’on entend par quantité et qualité d’expositions avant de nous concentrer sur d’autres facteurs d’influence tels que les stratégies éducatives des parents, la nature des interlocuteurs de l’enfant ou encore le fait qu’il soit scolarisé ou pas.