1 Activité physique hebdomadaire : obligatoire pour rester en bonne santé ?

Les recommandations en termes de pratique d’activité physique pour rester en bonne santé sont bien connues1. Vous culpabilisez de ne pas en faire assez ? Vous n’avez pas le temps ou la possibilité de marcher pendant trente minutes, cinq jours sur sept, ou de faire un jogging trois fois par semaine ?

Bonne nouvelle ! Une étude parue en 20172, utilisant les données de l’enquête SHARE, a montré qu’une activité physique moins intense et moins fréquente que celle des recommandations officielles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) peut déjà aider à prévenir certaines affections chroniques. Philipe de Souto Barreto et ses coauteurs ne sont pas les seuls à l’affirmer, plusieurs équipes de recherche aboutissent en effet aux mêmes conclusions : une activité physique par semaine, de préférence vigoureuse mais pas uniquement, aide à réduire l’apparition de la plupart des affections chroniques, tant chez les hommes que chez les femmes.

Quelles sont les informations disponibles ? Les répondants à l’étude SHARE déclarent à quelle fréquence et à quelle intensité ils pratiquent une activité physique sur une semaine habituelle. On peut alors comparer ces informations dans le temps avec leurs déclarations concernant leur état de santé, et s’ils souffrent plus tard d’affections chroniques telles que des maladies cardiovasculaires, des accidents vasculaires cérébraux ou encore du diabète, notamment.

 

Affection/maladie chronique

Les maladies chroniques sont des affections de longue durée qui, en général, évoluent lentement. Responsables de 63 % des décès dans le monde, elles se manifestent sous la forme de diabète, de cholestérol, de cancer, d’affections respiratoires chroniques, d’accidents vasculaires cérébraux, etc.3.La cause principale à ce jour identifiée du développement de ces maladies chroniques est l’inactivité physique4, d’où des recommandations pour, qu’à tout âge, la population maintienne une activité physique régulière.

 

En observant les participants de seize pays sur les cinq premières vagues de SHARE (de 2004 à 2013), cette équipe de chercheurs a déduit que la pratique d’une seule activité physique hebdomadaire, donc en deçà des recommandations officielles, est déjà associée à un risque réduit de développer du diabète, des maladies cardiovasculaires et des accidents vasculaires cérébraux.

Cependant, cette prévention d’affections chroniques dépend de l’effort et du type d’activité physique réalisés. En effet, comme le montre le Tableau 1, la fréquence de l’activité associée au type d’effort donne des résultats différents.

 

Activité physique vigoureuse/modérée

Dans l’étude SHARE, une activité physique vigoureuse est décrite comme « faire du sport, des travaux domestiques lourds, ou un travail qui demande des efforts physiques », et l’activité physique modérée comme « s’occuper du jardin, nettoyer la voiture ou se promener ».

 

Pour diminuer les risques de développer une maladie cardiaque par exemple, les auteurs identifient deux options qui semblent fonctionner le mieux : réaliser soit un effort modéré plus d’une fois par semaine (diminution des risques de 15 % par rapport à une personne qui ne pratique aucune activité physique), soit un effort vigoureux une seule fois par semaine (diminution des risques de 20 %).

Concernant les maladies cérébrovasculaires et le diabète en revanche, c’est l’inverse : se « contenter » d’une pratique modérée une seule fois par semaine suffirait à réduire les risques d’en développer, alors que si l’on veut que l’effort vigoureux soit efficace, il faudrait en réaliser plus fréquemment.

Bien entendu, plus la pratique est habituelle, plus celle-ci aura un impact positif sur la santé et la prévention de ces affections chroniques. Dans le cas du diabète, la réduction des risques d’en développer passe de 18 % à 29 % si l’on augmente la fréquence de cette pratique à plus d’une fois par semaine.

Tableau 1 : diminution des risques de développer une affection chronique
Pourcentages à comparer avec une pratique inexistante, ou presque, d’activité physique. (Source : Adaptation du tableau 2, Ph. DE SOUTO BARRETO et al. (2017) SHARE (2004-2013)).

Comme indiqué plus haut, cette relation entre activité physique et prévalence de maladie chronique est étudiée par plusieurs équipes de recherche. Une deuxième étude sortie en 20185 s’attarde exclusivement sur les effets d’une activité physique vigoureuse.

En utilisant les données des vagues 4 et 5 (2011 et 2013) pour treize pays (dont la Belgique)6, Adilson Marques et ses coauteurs concluent que la pratique d’une activité physique vigoureuse par semaine, plutôt que de n’en pratiquer aucune, est bénéfique tant pour les hommes que pour les femmes.

Pour les hommes, les chercheurs ont pu relier quatre affections chroniques moins présentes chez ceux qui s’inscrivent dans cette pratique hebdomadaire : moins d’hommes affectés par des maladies cardiaques, des maladies pulmonaires, la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer. Pour les femmes ayant les mêmes pratiques, la prévalence de l’ensemble des affections est réduite, hormis pour l’hypertension, le cholestérol et le cancer, pour lesquels les auteurs n’ont pas trouvé de différence significative selon la pratique ou non d’activité physique. Ces petites différences suggèrent que le sexe biologique modère, d’une façon ou d’une autre, l’apparition de certaines maladies chroniques.

Ces résultats confirment la relation négative existante entre la pratique d’une activité physique et la prévalence de maladies chroniques. Cependant, ils montrent que le gain en santé est positif, que la personne adhère ou non aux recommandations officielles, tant qu’elle pratique un minimum d’activité physique. L’espoir est donc permis pour celles et ceux qui ne sont guère actifs : être actif, même un petit peu, procure toujours des gains en termes de santé tant physique que mentale.

 

Ce thème vous intéresse ? Nous vous proposons ci-dessous quelques statistiques complémentaires pour continuer la lecture.

Ces statistiques sont tirées de la vague 6 de SHARE, dont les données ont été collectées en 2014-2015.

 

Le Graphique 3 reprend les données de SHARE concernant la pratique d’une activité physique vigoureuse à une fréquence régulière, au moins une fois par semaine, chez les individus âgés de 60 à 69 ans. Ce graphique montre les différences de pratiques entre hommes et femmes, mais aussi entre les différents pays.

Graphique 3 : pourcentage d’individus pratiquant une activité physique vigoureuse régulière
Pays groupés par zone géographique : central-nord, sud et est, de gauche à droite. La fréquence de l’activité doit être d’une fois par semaine au minimum pour être reprise sur ce graphique (Source : SHARE (2014-2015), 60-69 ans).

Plusieurs observations découlent de ce graphique : d’une part, les hommes sont en général plus actifs que les femmes (hormis en Israël), bien que cet écart ne soit pas systématiquement important ; d’autre part, ces moyennes montrent une grande variabilité entre les pays.

Concernant la pratique d’une activité physique vigoureuse, ce sont les Suédois qui sont les plus actifs (71 %), talonnés par les Suisses (68 %) et les Danois(es) (69-68 % respectivement). Ces différences hommes-femmes sont plus faibles lorsque l’on observe la pratique d’une activité physique modérée, non représentée ici.

La pratique d’une activité physique, qu’elle soit vigoureuse (sport, travaux domestiques lourds, etc.) ou modérée (promenade, jardinage, etc.), décline en moyenne avec l’âge. En groupant les individus par classes d’âges, le Graphique 4 permet de visualiser cette diminution progressive pour la population belge francophone.

Nous pouvons observer que le pourcentage de personnes pratiquant une activité physique en Belgique francophone est relativement stable entre 50 et 69 ans : il passe de 89,8 % chez les 50-59 ans à 86,3 % chez les 60-69 ans. Il commence ensuite à diminuer sensiblement chez les 70-79 ans pour atteindre 78,1 % et finit à 52,0 % pour les plus de 80 ans. Bien que cette diminution semble drastique, il est important de noter que ce taux de pratique d’activité physique (surtout à effort modéré) reste assez élevé.

Dans l’enquête SHARE, toujours en 2015, les affections chroniques les plus observées, parmi les personnes de 50 ans et plus, sont l’hypertension (37,5 % des hommes et 39,8 % des femmes en déclarent), suivie du cholestérol pour les hommes (21,1 %) et l’arthrose pour les femmes (26,7 %). Le Tableau 2 reprend les six affections chroniques les plus observées parmi l’ensemble de la population SHARE.

Graphique 4 : activité physique et âge, population belge francophone
(Source : SHARE (2014-2015), 50 ans et +)

Quatre affections sont régulièrement observées tant chez les hommes que chez les femmes : l’hypertension artérielle, le cholestérol, le diabète et l’arthrose. Quatre autres affections sont plus souvent observées pour l’un des deux sexes : la maladie cardiaque et la maladie pulmonaire chronique concernent plutôt les hommes, tandis que la polyarthrite rhumatoïde et les troubles affectifs ou émotionnels concernent plutôt les femmes.

Tableau 2 : les affections chroniques les plus souvent observées
(Source : SHARE (2014-2015), moyenne SHARE, 50 ans et +)

 

Le nombre d’affections chroniques est semblable entre hommes et femmes pour la moyenne SHARE ; mais c’est une réalité qui ne vaut pas pour tous les pays. En effet, en comparant l’écart de ce nombre entre hommes et femmes par pays sur le GRAPHIQUE 5, nous observons de grandes variations. Les femmes en Croatie, Estonie, Pologne et Portugal déclarent en moyenne bien plus d’affections chroniques que les hommes (de 23 % à 34 % en plus). L’inverse est moins fréquent et surtout moins intense : sur les 18 pays, les hommes déclarent plus d’affections au Danemark (6,4 %), en Espagne (8 %) et en Suisse (21 %).

Graphique 5 : ratio femmes/hommes du nombre moyen d’affections chroniques déclarées
(Source : SHARE (2014-2015), 50 ans et +)

 

Ce qu’il faut retenir

Philipe de Souto Barreto et ses coauteurs ont observé, à travers les vagues et les entretiens répétés des mêmes personnes tous les deux ans, comment l’état de santé des personnes actives et non actives évoluait. Ce faisant, ils sont parvenus à distinguer l’effet apporté d’une petite pratique d’activité physique hebdomadaire sur la réduction du risque de développer des affections chroniques.

Dans la même lignée, Adilson Marques et ses coauteurs se sont intéressés à la pratique d’une activité physique vigoureuse et concluent de manière similaire, en apportant une distinction de prévalence des maladies chroniques entre les hommes et les femmes.

Bien que les recommandations en santé publique de l’Organisation mondiale de la santé suggèrent la pratique d’une activité physique modérée quotidienne et vigoureuse plusieurs fois par semaine, les auteurs de ces deux études concluent qu’être actif rien qu’une fois par semaine pourrait déjà être bien utile pour prévenir les maladies chroniques, ou tout du moins certaines.

Les chercheurs proposent également aux professionnels de la santé d’encourager leurs patients âgés à démarrer avec une faible activité physique puis à augmenter celle-ci de manière très progressive tant sur l’intensité que sur la fréquence, de manière à ne pas les décourager avec une recommandation dès le départ trop exigeante.

Comme les auteurs des deux études le soulignent cependant, ne prendre en compte dans leurs analyses que l’intensité et la fréquence de l’activité physique (vigoureuse ou modérée, une fois par semaine, moins souvent, etc.) est une limitation. Leurs résultats sont certes déjà fort intéressants, mais le type d’activité ainsi que sa durée auraient permis d’affiner encore plus les résultats. Faut-il faire une activité vigoureuse par semaine de 5, 10 ou 30 minutes pour que leurs résultats encourageants fassent effet ? SHARE ne permet toutefois pas encore ce genre de considérations. Cela étant dit, le message et les recommandations proposées par les auteurs nous plaisent. Initier une discussion avec son médecin ou autre professionnel de la santé pour décider de la meilleure façon de reprendre ou de continuer une activité physique, petite ou grande, n’est pas un mauvais conseil.

 

L’apport de SHARE pour ce sujet

Caractère longitudinal de l’étude : les deux recherches derrière ce chapitre utilisent les données des personnes ayant participé à au moins deux vagues, ce qui est nécessaire pour observer dans le temps l’évolution de la santé des individus.

Caractère international de l’étude : 16 pays ont été conservés dans la première étude, et 13 dans la deuxième, permettant ensemble d’accroître la pertinence des résultats.

Les chercheurs se sont focalisés sur deux séries d’informations demandées dans l’étude SHARE : la fréquence et l’intensité de la pratique hebdomadaire d’activité physique et les incidences de maladies chroniques.

L’étude permet de mettre en perspective les politiques publiques et parfois de proposer des alternatives tirées du vécu quotidien des personnes. En l’occurrence, les auteurs mettent en lumière qu’une pratique moins fréquente que celle recommandée par l’OMS est déjà suffisante pour prévenir certaines affections chroniques. De plus, ils encouragent à activer les personnes plus âgées « à la carte », c’est-à-dire selon l’habitude et l’état de santé de chacun.

 

1 Pour les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), voy. http://www.who.int/dietphysicalactivity/factsheet_recommendations/fr/.

2 Ph. de Souto Barreto, M. Cesari, S. Andrieu, Br. Vellas et Y. Rolland, « Physical Activity and Incident Chronic Diseases: A Longitudinal Observational Study in 16 European Countries », American Journal of Preventive Medicine, Elsevier, 2017, pp. 373-378.

3 Voy. à ce sujet la définition de l’OMS : http://www.who.int/topics/chronic_diseases/fr/.

4 I-M. Lee, E. J. Shiroma, F. Lobelo, P. Puska, St. N. Blair et P. T. Katzmarzyk, « Effect of physical inactivity on major non-communicable diseases worldwide: an analysis of burden of disease and life expectancy », Lancet, 2012, 380:219-29.

5 A. Marques, M. Peralta, H. Sarmento, J. Martins et M. González Valeiro, « Associations between vigorous physical activity and chronic diseases in older adults: a study in 13 European countries », The European Journal of Public Health, 2018, vol. 28, n° 5, pp. 950-955.

6 Il s’agit de : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, France, Italie, Pays-Bas, Slovénie, Suède, Suisse et Tchéquie.

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La vie après 50 ans Droit d'auteur © 2021 par Xavier Flawinne et Sergio Perelman est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.

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