Section 5 : Formation d’un embryon cylindrique
Parallèlement aux processus décrit dans la section 4, la croissance de l’extrémité dorsale de l’embryon, plus prononcée que celle de la face ventrale « fixée » sur la cavité vitelline ainsi que la formation du tube neural très développé au niveau céphalique, vont entraîner une plicature de l’embryon vers sa face ventrale à la fois dans le plan sagittal et dans le plan transversal. D’une structure disquoïde trilamellaire, il devient cylindrique, suivant un axe cephalo-caudal concave ventralement (figure 3-20). Le mésoderme (plaque latérale) se creuse et forme un espace, la cavité coelomique. Cette cavité se met ensuite en communication avec la cavité développée au pourtour de l’ébauche cardiaque (voir chapitre 6, section 1).
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Figure 3-20 |
Plicature et évolution du cœlome |
Gauche : Ouverture des enveloppes embryonnaires (1 = cavité amniotique, 2 = cavité choriale, 3 = sac vittelin) pour montrer l’embryon par sa face dorsale avant (= A) et après (= B) le processus de plicature. Centre : évolution du système cavitaire lors de la plicature. Droite : vue en coupe transversale (T) du processus. Deux phénomènes se déroulent parallèlement : cavitation et plicature. Dans la portion céphalique de l’embryon tridermique, le mésoderme se creuse pour former la future cavité péricardique en forme de U (= 5). Le mésoderme de la plaque latérale se creuse pour donner deux feuillets (splanchnopleure et somatopleure) délimitant une cavité qui se trouvera à l’intérieur de l’embryon : le cœlome intra-embryonnaire (= 6). Le creusement du mésoderme se poursuit céphaliquement pour donner deux tubes longitudinaux qui communiqueront (flèches noires) avec la cavité péricardique. L’ensemble de ces cavités forment le futur système cavitaire antérieur (futures cavités péricardiques, pleurales et péritonéale). Ce cœlome embryonnaire communique (flèches rouges) avec la cavité chorionique qui se réduit progressivement et devient le cœlome extra-embryonnaire. Le processus de plicature suit deux plans perpendiculaires :
Ce mouvement « pince » la paroi supérieure du sac vittelin pour donner un tube (= 4), le futur tube digestif, qui reste en communication dans sa partie moyenne avec le résidu du sac vittelin, où il est tapissé de splanchnopleure et entouré du cœlome.
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Figure 3-21 |
Aspect de l’embryon à la fin du processus de plicature |
Section des enveloppes embryonnaires (1 = cavité amniotique, 2 = cavité choriale, 3 = sac vittelin) au sein du muscle utérin (= U), vue latéro dorsale de l’embryon sectionné par un plan sagittal dans sa portion céphalique et par un plan transversal au niveau de la communication, le canal omphalo-mésentérique, (= 8) avec le sac vitellin. L’aire cardiaque (= 5) est amenée ventralement (flèche rouge) et caudalement à la membrane buccopharyngée (= 4a) par la croissance de la portion dorsale de l’embryon et le développement du futur encéphale (= 9) prolongé de la moelle épinière (= 13). Le tube neural est progressivement entouré des os du crânes et des vertèbres dessinant le système cavitaire postérieur. La portion antérieure du tube digestif (= 4), de part et d’autre des arcs pharyngiens (ou branchiaux) (= 10) est devenu tubulaire. De ce tube naît un bourgeon ventral (= 6) à l’origine de l’arbre trachéal et des poumons. Ce mouvement met également en place la délimitation entre thorax et abdomen avec le septum transversum (= 7) qui participera à la formation du diaphragme. Le système cavitaire antérieur réunit cavité péricardique et cœlome intra embryonnaire (flèches blanches transparentes = 11) (cfr fig 3-20). Celui-ci se cloisonnera en cavités pleurales, péricardique et péritonéale. La portion caudale du tube digestif est séparée de la cavité amniotique par la membrane cloacale (= 4b), le mouvement de plicature amène un éperon mésodermique entourant l’allantoïde (= 4c) qui divisera la membrane cloacal en sinus urogénital (céphalique) et membrane anale (caudal), portions terminales respectives du système urogénital et du système digestif. Dans un second temps, les membranes bucco-pharyngée, anale et urogénitale, se résorberont faisant communiquer les deux extrémités du tube digestif et le sinus urogénital avec la cavité amniotique. Ce mouvement (flèches rouges et vertes) emporte la cavité amniotique qui prend l’espace occupé par la cavité chorionique, un feuillet amniotique recouvre alors l’ensemble des structures reliant l’embryon à la paroi utérine (= 12, le pédicule embryonnaire). Ces structures de liaison avec la paroi utérine constituent le futur cordon ombilical comportant le canal omphalo-mésentérique (= 8), l’allantoïde (4c) et toutes les structures vasculaires (non représentées) connectées au placenta (non représenté). L’embryon devient un cylindre dont la paroi reste incomplète au niveau de l’implantation du cordon ombilical. |
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Le mésoderme évolue en mésoderme para-axial, mésoderme intermédiaire et mésoderme de la plaque latérale (figures 3-22/23).
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Figure 3-22 |
Évolution de la partie dorsale de l’embryon et du mésoderme |
A, B, C et D : Tranches d’embryon obtenues entre deux plans parallèles (P et P’, cartouches verts) aux différents stades de la plicature. La cavité amniotique (= 1) s’étend pour refouler la cavité chorionique (= 2). Le mésoderme de part et d’autre du tube neural (= 6) surmontant la notochorde (= 7) se divise:
Les somites se divisent ensuite en:
Chaque sclérotome participe à la formation partielle de deux vertèbres, chaque vertèbre (= 14) est ainsi issue des sclérotomes sus-jacents et sous-jacents. Le dermatomyotome (= 13) se divise en myotome (= 13a) et en dermatome (= 13b). Le mésoderme intermédiaire donnera naissance au système urinaire et à une portion du système génital. Lors du creusement de la lame latérale, le mésoderme intermédiaire se retrouve progressivement sous le revêtement du cœlome intraembryonnaire (= 3) dans sa portion dorsale, de part et d’autre de l’aorte (= 8). Le sac vittelin (= 4) donnera naissance au tube digestif (= 5) qui dans sa portion moyenne, se retrouve entouré du cœlome (= 3), relié à la région dorsale par deux feuillets du revêtement cœlomique (= 15) (méso dorsal) et communique avec le résidu du sac vittelin par le canal omphalomésentérique (= 4). Cette portion moyenne de l’intestin est au départ la plus réduite, elle deviendra ensuite la plus longue du tube digestif avec une période de croissance se déroulant en dehors de l’embryon, donnant une hernie physiologique de l’anse intestinale (= 16) qui réintingrera en second lieu l’intérieur du fœtus.
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Figure 3-23 |
Formation embryonnaire segmentaire |
Schéma de l’évolution du mésoderme para-axial (= 1) de part et d’autre du tube neural (= 2) surmontant la notochorde (= 3). A: Le mésoderme para-axial forme les somitomères puis les somites (= 1), masses tissulaires paires qui matérialisent la formation de l’embryon en segments successifs superposés suivant l’axe céphalo-caudal. B: Les somites se divisent en une portion médiale (sclérotome = 5) et une portion latérale, le dermatomyotome (= 6). C. Les sclérotomes droits et gauches vont entourer le tube neural pour former l’ébauche de la vertèbre (= 7), le dermatomyotome évolue en dermatome (= 8) et myotome (= 9) D. La vertèbre (= 10), corps et arc postérieur, est issue de la moitié des sclérotomes supérieurs D et G et de la moitié des sclérotomes inférieurs droits et gauches, alors que les myotomes (= 11) et les dermatomes (= 12) sont à l’origine d’une seule bande musculaire transversale et de son derme. Ils suivent une évolution segmentaire, la vertèbre, elle, est une formation intersegmentaire. La notochorde persiste seulement sous forme de la partie centrale du disque intervertébral, le nucléus pulposus (= 4) E: Représentation des territoires cutanés issus des segments (dermatomes). Ainsi, chaque paire de somites correspond à un segment du tube neural (future moelle épinière) qui intégrera l’innervation des éléments issus de cette paire de somites, sensibilité cutanée et motricité volontaire (dite somatique). A chaque segment du tube neural correspond une bande horizontale de l’enveloppe cutanée dont la sensibilité dépend de ce segment : cette bande cutanée définit le dermatome chez l’individu formé . De même, un territoire de muscles somatiques, dépendant ce segment du tube neural, définit le myotome.
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Latéralement, à partir d’expansions des dermatomyotomes se formeront les parois du tronc (muscles et derme). Les membres supérieurs et inférieurs naissent d’un axe issu du mésoderme de la lame latérale (somatopleure) qui donnera les os et articulations des membres. Cet axe s’entoure d’expansions latérales des dermatomyotomes (voir chapitre 5, figure 5-3).
Les feuillets de base sont maintenant mis en place, permettant l’évolution des différents systèmes dont la croissance se poursuivra lors de la période fœtale.
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- Dorsalement, le tube neural évoluera en système nerveux central et, avec des éléments issus des crêtes neurales, en système nerveux périphérique.
- Issu du sac vitellin, le tube digestif donnera également l’arbre trachéo-bronchique et les poumons.
- L’aire cardiaque devenue ventrale et thoracique, permet le développement du cœur connecté au système vasculaire. Le mésoderme intermédiaire évolue en ébauches rénales mais également urétérales et participera à la formation d’une partie du système génital.
- Les somites ainsi que des structures issues des crêtes neurales donneront le squelette axial, ainsi que les muscles striés.
- Le squelette des membres trouve sont origine dans une expansion de la somatopleure.
Les grandes étapes de l’évolution de ces systèmes seront évoquées brièvement lors de l’approche systémique dans la deuxième partie de cet ouvrage.